Victor SEGALEN
Lettre autographe signée envoyée depuis San Francisco adressée à Emile Mignard : "une [nurse] attachée à ma personne, me baignant, me lotionnant, me frictionnant de mains adroites, couchant en long peignoir bleu et les cheveux défaits dans ma chambre"
San Francisco dimanche 22 novembre 1902, 13,7x18cm, 4 pages sur un feuillet double.
Lettre autographe signée de Victor Segalen adressée à Emile Mignard, quatre pages rédigées à l'encre noire sur un double feuillet de papier à lettre bleu. Pliures transversales inhérentes à l'envoi. Trace d'onglet de papier blanc.
Emile Mignard (1878-1966), lui aussi médecin et brestois, fut l'un des plus proches amis de jeunesse de Segalen qu'il rencontra au collège des Jésuites Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Brest. L'écrivain entretint avec ce camarade une correspondance foisonnante et très suivie dans laquelle il décrivit avec humour et intimité son quotidien aux quatre coins du globe. C'est au mariage de Mignard, le 15 février 1905, que Segalen fit la connaissance de son épouse, Yvonne Hébert.
Segalen, parti du Havre le 11 octobre 1902 en direction de Tahiti, voit son voyage interrompu par la contraction de la fièvre typhoïde qui l'immobilisera finalement deux mois à San Francisco :
« Pleine convalescence mon cher Emile. […] Aucune complication. Ma fièvre aura été de type « ambulant » car j'ai promené tout mon premier septénaire en sleeping. […] J'ai renoncé à prendre le paquebot du 6 Décembre. Une rechute à bord et je ferais immanquablement connaissance avec les bas-fonds du Pacifique. Je partirai seulement le 11 Janvier. L'hiver est très doux à S[an] Franc[isco]. Dans 10 à 12 jours je m'installerai en ville. […] New-York m'eût été infâme pour un séjour d'un mois. San Fr[ancisco] m'agrée. » Après avoir fait part à son correspondant de ses sentiments à l'approche d'un éventuel décès (
« […] je cherche à définir mon état d'esprit, quand, lucide j'ai appris que j'avais 41° et plus, la réaction de Vidal et des taches rosées lenticulaires. J'ai envisagé froidement l'éventualité d'une issue fatale. Au point de vue religieux siccité absolue. Tout s'est reporté sur mes parents, mes amis. »), Segalen – toujours très intéressé par la gent féminine – livre à son ami médecin des détails sur les infirmières de l'hôpital :
« Etonnement de trouver un Hôpital Français en ce répertoire cosmopolite du Grand Océan. Etonnement d'y voir comme personnel une quarantaine de « nurses », 20 à 25 ans, jolies parfois, toutes munies de brevets littéraires, « graduées » comme on dit ici, dont une attachée à ma personne, me baignant, me lotionnant, me frictionnant de mains adroites, couchant en long peignoir bleu et les cheveux défaits dans ma chambre, me parlant de Rudyard Kipling, Tennyson, écrivant entre deux bains froids à ses « amis »… » Cette convalescence, qui durera jusqu'à début janvier 1903 sera l'occasion pour Segalen de découvrir China Town.
Les lettres autographes de Victor Segalen sont d'une grande rareté.
3 000 €
Réf : 80848
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