Victor SEGALEN
Double lettre autographe signée envoyée depuis San Francisco adressée à Emile Mignard : "Ledit sujet est une petite juive de 18 ans, métissée de Mexicain avec une pointe d'origine Allemande. Le résultat de ces croisements invraisemblables est purement exquis."
San Francisco dimanche 28 et lundi 29 décembre 1902, 13x20cm, 8 pages sur 2 feuillets doubles.
Lettre autographe signée de Victor Segalen adressée à Emile Mignard, huit pages rédigées à l'encre noire sur deux doubles feuillets de papier blanc. Pliures transversales inhérentes à l'envoi. Trace d'onglet de papier blanc. Une petite tache en marge basse du dernier feuillet.
Emile Mignard (1878-1966), lui aussi médecin et brestois, fut l'un des plus proches amis de jeunesse de Segalen qu'il rencontra au collège des Jésuites Notre-Dame-de-Bon-Secours, à Brest. L'écrivain entretint avec ce camarade une correspondance foisonnante et très suivie dans laquelle il décrivit avec humour et intimité son quotidien aux quatre coins du globe. C'est au mariage de Mignard, le 15 février 1905, que Segalen fit la connaissance de son épouse, Yvonne Hébert.
Segalen, parti du Havre le 11 octobre 1902 en direction de Tahiti, voit son voyage interrompu par la contraction de la fièvre typhoïde qui l'immobilisera finalement deux mois à San Francisco. Cette convalescence, qui durera jusqu'à début janvier 1903 sera l'occasion pour Segalen de découvrir China Town. Pour l'heure, il écrit à Mignard cette longue lettre dans laquelle il lui fait part de rêves prémonitoires d'amis communs quant à sa maladie :
« J'ai reçu à 24 d'intervalle les deux récits suivants : de Max [Prat] : a rêvé dans la nuit du 26 au 27 Nov[embre] de moi – m'a vu la tête entourée de bandelettes. Cauchemar et impression pénible persistante. Apprenait le jour même par une carte de ma famille, chez qui la nouvelle était arrivée le 26 au soir, ma maladie. De Madame Varenne ; a rêvé du 1er au 4 Déc[embre] environ, de façon obsédante de moi. […] Le 5 je crois lui arrivait l'avis de mon incident typhique. » Très rationnel, Segalen conclut :
« Tout ça pour mémoire seulement, car ça manque de rigueur. Les rêves télépathiques auraient coïncidé plutôt avec les nouvelles de ma maladie, qu'avec l'exacerbation de ma fièvre elle-même. »Désormais tout à fait remis de sa maladie, le jeune médecin poursuit :
« Mon séjour Franciscain continue a être des plus « confortable » et complet. Je fais du cheval au Park, des poids et de la natation à L'Olympic club […] » Il s'adonne également à un sport beaucoup plus charnel et
« exécute des travaux pratiques sur la personne d'un sujet américain, prélevé avant [son] départ de l'hôpital parmi les très appétissantes « nurses » ». Pas avare de détails, il s'épanche sur cette nouvelle conquête :
« Ledit sujet est une petite juive de 18 ans, métissée de Mexicain avec une pointe d'origine Allemande. Le résultat de ces croisements invraisemblables est purement exquis. […] Moyenne de taille, très souple, des yeux et des cheveux d'un noir invraisemblable, très câline et très en-train. C'est tout. Rien en dessous, et, dans ce cœur habillé d'un si joli manteau de chair, une néance absolue de nos plus élémentaires sentiments. C'est un type de maîtresse-camarade complet. Nos embrassements sont forcément polyglottes : elle pimente nos spasmes d'un « che t'aime » hébraïque et très joliment murmuré. Et je lui réponds des mots d'amour pêchés le matin dans Tennyson ou dans mes souvenirs. Je l'ai sous la main aux heures voulues. Elle fume énormément, adore l'eau de Seltz pure (!) et se tord à mes plaisanteries Franco-Américaines et à mes envolées audacieuses dans la langue du président Roosevelt. »Les lettres autographes de Victor Segalen sont d'une grande rareté.
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Réf : 80854
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