Marc SEGUIN
Description d'un pont en fil de fer, par Seguin aîné
Chez Bachelier, Libraire pour les Mathématiques, la Physique, les Arts mécaniques, etc., Paris s.d. [1824-1825], 15x22cm, relié.
Edition originale. Illustré d'une lithographie représentant des coupes et vues du projet du pont de Tain-Tournon,alors en construction.
Relié en demi basane marbrée à coins, dos lisse orné de filets dorés et fleurons dorés, pièce de titre de maroquin rouge, plats de papier marbré, gardes et contreplat de papier marbré, filet doré en encadrement. Dos, coiffes et coins frottés, reliure signée de Stroobants.
Rarissime opuscule de Seguin sur un prototype de pont suspendu, construit sur la rivière de la Galore, à Saint-Vallier en Isère. Il servit de travail préparatoire au pont de Tain-Tournon, le premier grand pont suspendu en fil de fer au monde, grace à l'invention du faisceau de fils de fer par Marc Seguin.Il s'agit de la première étude publiée en volume par Seguin sur ses essais de ponts suspendus en câbles de fer. Sa publication l'année précédente
Des ponts en fil de fer précédait ses premières constructions et demeurait seulement théorique. Seguin a préconisé l'utilisation de câbles métalliques en fils de fer trefillés au lieu de chaînes en vogue chez ses prédécesseurs. Le pont expérimental, décrit avec force détails et calculs, dans la présente étude était destiné au passage des piétons, des cavaliers et des bêtes de somme, et s'élevait à 5 mètres au dessus du niveau de l'eau pour une longueur totale, d'un milieu de pilier à l'autre de 30 mètres. Les résultats de cette première construction décrite ici seront republiés dans un chapitre de la seconde édition de
Des ponts en fil de fer en 1826.
Après cet essai couronné de succès, "M. Seguin regarda comme parfaitement démontrée la possibilité de fournir un passage de ce genre sur les plus grands fleuves, non-seulement aux piétons, mais aux plus lourdes voitures. Le gouvernement ayant accordé aux frères Seguin, le 22 janvier 1824, l'autorisation de construire, à leurs périls et risques, un pont en fils de fer sur le Rhône, entre Tain et Tournon, ceux-ci mirent aussitôt la main à l'œuvre, et activèrent d'autant plus vigoureusement l'exécution d'un travail qu'ils avaient promis de terminer en dix-huit mois, que tous les hommes de l'art avaient les yeux fixés sur eux, pour s'assurer du degré de confiance que méritaient ces nouveaux constructeurs étrangers jusqu'alors aux travaux publics. La promesse donnée fut scrupuleusement tenue, et le pont de Tournon, le premier en fils de fer qui ait été jeté sur un grand fleuve, fut solennellement inauguré le 25 août 1825. Ce pont, qui se compose de deux travées égales, chacune de 85 mètres d'ouverture, et de deux culées et une pile, satisfit pleinement tous les désirs" (Abbé Filhoi). Suivant la réussite du pont de Tournon, Seguin et ses frères construisirent pas moins d'une centaine de ponts suspendus en l'espace d'une vingtaine d'années.
Cet opuscule au tirage très confidentiel, fut publié plusieurs mois avant l'achèvement du pont de Tournon, dont Seguin mentionne les déboires de construction et la date espérée d'inauguration :
« Cette grande construction a été commencée le 12 mai 1824. Des eaux constamment élevées pendant l'été nous ont forcés de faire toutes nos fondations à un mètre environ au-dessous du niveau de l'eau, au moyen d'une cloche à plongeur très simple de notre invention, dont je me propose de publier la description et qui ne sera pas j'espère sans intérêt pour l'art. A peine avions-nous commencé à couler nos bétons qu'une crue extraordinaire enleva nos ponts de services ainsi qu'une partie des encrèchements et du béton. Mais quelques semaines favorables à nos travaux ont suffi pour tout réparer, et nous donner l'espérance que dans le courant de juillet 1825 le pont pourra être livré au public. »
Cette précision nous éclaire sur les circonstances et les raisons de la publication de cet opuscule dont il ne demeure presqu'aucune trace, à l'exception de quelques rares exemplaires dans les bibliothèques européennes.
Le nôtre, relié par Stroobants, est celui de l'auteur, conservé dans la famille jusqu'à ce jour. Les problèmes rencontrés par la crue estivale de 1824 ont sans doute suscité des doutes sur la viabilité de l'édifice révolutionnaire. Cette publication dans la prestigieuse maison d'édition scientifique Bachelier, est vraisemblablement destinée à prouver la fiabilité de l'invention auprès des pouvoirs publics :
« Des parapets très solides lui donnent une telle rigidité que 15 à 20 personnes peuvent s'y promener simultanément sans provoquer de vibrations sensibles. J'ai appris que plusieurs personnes l'ont traversé sans descendre de cheval, bien que le pont fût alors chargé de trois autres cavaliers, lesquels, plus prudents, avaient mis pied à terre. On m'a même assuré y avoir vu passer un homme au galop sans que le pont vibre d'une manière notable. »
Elle semble plus encore destinée à attirer l'attention des investisseurs, car ces ponts sont entièrement construits aux frais et aux risques des frères Segin, qui bénéficièrent pour l'occasion de la toute première concession d'une entreprise d'utilité publique accordée par le gouvernement à une société particulière. Tous les coûts sont ainsi détaillés comme le note la Revue Encyclopédique (sous-titrée : Analyse raisonnée des productions les plus remarquables dans les sciences, les arts industriels, la littérature et les beaux-arts) de juin 1925 :
Cette brochure de M Séguin apprend plus que son titre ne l'annonce. On y trouve non seulement la description mais le devis du pont en fil de fer (...) Les culées de ce pont étaient déjà construites, mais dégradées. Les réparations ont coûté 1 493 francs, et le reste de la construction, 1 825 francs et 40 centimes. Ainsi, cette construction, remarquable par son élégance et sa solidité, n'a nécessité qu'une dépense totale de 3 318 francs et 40 centimes, alors que l'estimation initiale s'élevait à 4 000 francs.
Après le long développement purement théorique de l'édition originale des
Ponts en fil de fer, publié l'année précédente, cet opuscule d'une extrême rareté, est la première relation de la réussite d'une inovation capitale, qui dominera l'ingéniérie moderne : le câble métallique.
Exemplaire de l'auteur. Aucun exemplaire en bibliothèque américaine (OCLC confond avec
Des ponts en fil de fer).
Quérard, IX, 22.
History of the modern suspension bridge, p. 48-52.
Revue Encyclopédique
1 500 €
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