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Emile ZOLA Lettre autographe signée adressée à Louis-Edmond Duranty : "Je n'ai eu des nouvelles de Manet qu'indirectement, par Duret. [...] On m'a dit que la déconfiture d'Hoschedé avait jeté la misère dans le camp impressionniste."

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Emile ZOLA

Lettre autographe signée adressée à Louis-Edmond Duranty : "Je n'ai eu des nouvelles de Manet qu'indirectement, par Duret. [...] On m'a dit que la déconfiture d'Hoschedé avait jeté la misère dans le camp impressionniste."

L'Estaque - Marseille 22 septembre 1877, 13,3x20,8cm, 3 pages 1/2 sur un double feuillet.


Lettre autographe signée d'Emile Zola adressée à Louis-Edmond Duranty, rédigée à l'encre noire sur un double feuillet. Quelques ratures et corrections ; pliures inhérentes à l'envoi.
Cette lettre a été transcrite dans la correspondance complète d'Emile Zola éditée par le CNRS et les Presses de l'Université de Montréal.
Longue lettre évoquant la canicule à l'Estaque, Une page d'amour et Edouard Manet.
« Il y a quatre mois que nous sommes ici, et je vous avais promis de vous écrire. Mais j'ai tant travaillé et j'ai eu si chaud, que vous m'excuserez de mon apparente paresse. Imaginez-vous que jusqu'au 15 août, la température a été très agréable ; il faisait beaucoup moins chaud qu'à Paris et nous respirions chaque soir une brise de mer délicieuse. Puis, voilà que, brusquement, lorsque je nous croyais hors de toutes mauvaises plaisanteries de la chaleur, le thermomètre est monté à 40 degrés et s'y est maintenu nuit et jour. Nous avons ainsi passé deux semaines intolérables. Aujourd'hui, la fraîcheur est revenue, et nous allons rester jusqu'aux premiers jours de novembre pour jouir des charmes d'un bel automne. »
En cet été 1877, Zola quitte la tumultueuse capitale pour un séjour de cinq mois à l'Estaque (« banlieue de Marseille ») en compagnie de son épouse Alexandrine et de sa mère, Emilie Aubert. Cette longue parenthèse méridionale lui rappelle sa jeunesse aixoise : « Je suis d'ailleurs enchanté de mon été. Les pays est splendide et me rappelle toute ma jeunesse. »
« Pour finir avec moi, j'ajouterai que j'ai travaillé vigoureusement à mon roman, sans pourtant l'avancer autant que je l'aurais voulu. Ce roman doit paraître dans le Bien Public à partir du 14 novembre. J'en serai quitte pour donner encore un vigoureux coup de collier à Paris. » Le nouveau roman dont il est ici question est Une page d'amour dont l'intrigue et le style tranchent complètement avec le précédent volume des Rougon-Maquart : « Je ne sais vraiment pas ce que vaut mon travail. J'ai voulu donner une note absolument opposée à celle de L'Assommoir, ce qui me déroute parfois et me fait trouver mon roman bien gris. Mais je vais tout de même bravement mon chemin. Il faudra voir. » Mais cette « page d'amour » en cache une autre et, durant ce séjour dans la fournaise marseillaise, Emile Zola songe déjà au tome suivant : « Ce qui mijote dans sa marmite méridionale, ce n'est rien de moins qu'une nouvelle bombe. Non pas Une page d'amour : « c'est une œuvre trop douce pour passionner le public ». Mais est Nana d'ores et déjà annoncée : « Je rêve ici une Nana extraordinaire. Vous verrez ça. » [lettre à Marguerite Charpentier du 21 août 1877] » (Henri Mitterrand, Zola) Même si Une page d'amour n'emporta pas un grand succès auprès du public, la critique fut quant à elle relativement enthousiaste. Ainsi Flaubert écrit-il à Zola : « Lundi soir, j'avais fini le volume. Il ne dépare pas la collection. Soyez sans crainte. Et je ne comprends pas vos doutes sur sa valeur. Mais je n'en conseillerais pas la lecture à ma fille si j'étais mère !!! – Car, malgré mon grand âge, ce roman m'a troublé. Et excité. On a envie d'Hélène, d'une façon démesurée. Et on comprend très bien votre docteur. » (vers le 25 avril 1878)
L'éloignement de la capitale n'empêche pas Emile Zola de penser à ses amis restés à Paris : « Je n'ai eu des nouvelles de Manet qu'indirectement, par Duret. Travaille-t-il, est-il dans un bon état d'esprit ? – On m'a dit que la déconfiture d'Hoschedé avait jeté la misère dans le camp impressionniste. Je prévoyais ce plongeon depuis l'année dernière. » « Duret et Duranty envoient [à Zola] quelques échos de la vie des peintres. Duret l'a entretenu de Manet en détail, évoquant les portraits qu'il a commencés, « d'une note hardie et dans le mouvement », mais aussi de son insuccès persistant. […] Zola apprend d'autre part par Marguerite Charpentier, « la déconfiture » d'Ernest Hoschedé, fastueux commerçant en tissus et en vêtements, grand amateur d'art, et collectionneur de la « nouvelle peinture », qui a jeté une fois de plus la misère et l'inquiétude parmi les peintres impressionnistes. « Il doit deux millions, écrivait Marguerite Charpentier ; on a tout vendu chez lui, jusqu'aux robes de sa malheureuse femme qui ne savait rien, et elle s'est sauvée avec ses cinq enfants et est accouchée en chemin de fer. » Non seulement les impressionnistes perdent un client et un amphitryon généreux, qui les recevait royalement dans son château de Montgeron, mais ils prévoient aisément que la vente forcée de ses collections, à l'Hôtel Drouot, va faire chuter leurs cotes dans des proportions humiliantes. » (Henri Mitterrand, Ibid.) Ernest Hoschedé et cette banqueroute préfigurent le personnage de Naudet dans L'Œuvre qu'Emile Zola publiera en 1896.
Longue et intéressante lettre évoquant les passions zoliennes : la Provence, l'écriture et la peinture.

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