Kasaburo TAMAMURA
Yokohama shashin
Yokohama 1890, 14,6x19,5cm, autre.
Recueil composé de 24 photographies au collodion humide tirées sur papier albumine colorisées à la main. La colorisation des photographies utilise la technique traditionnelle de la peinture à la colle (pigments naturels additionnée de colle) avec un pinceau. Les photographes faisaient ainsi appel à des peintres et non aux aquarellistes des estampes.
Album formé de deux ais de bois laqués de noir reliés à la japonaise en acordéon. Premier plat laqué avec une scène figurant un homme debout et une femme assise dans une barque. Chaque dépliant (recto et verso) présente 12 photographies, au recto (scène animée) des vues de paysages et villes, au verso, des personnages. Cette présentation est traditionnelle des albums de voyages "views and costume", que reprendront les japonais. Chaque photographie : 9,5x13,7cm. Les photographies sont en bel état, mais quelques unes sont fanées, notamment la première représentant un temple célèbre ; 5 photos de personnages paraissent également passées. Les visages en ivoire ont suscité la convoitise et ont été emportés, on ne voit plus que le bois nu à la place des visages. Quelques piqûres dans les marges. Bordures frottées avec pertes de laque, notamment aux coins. Un petit manque sur le second plat.
Les vues représentent Yokohama, Nagasaki, Kobe, certaines sont animées de personnages, d'autres non, on y distingue des temples, des rues, un barque avec une vue de Matsushima, le volcan Unzen, et quelques vues contemporaines avec des bâtiments modernes européens, ce qui est une nouveauté dans les Yokohama shashin de cette fin du XIXe. On distinguera la photographie de l'hôtel Belle vue à Nagasaki, le Grand Hôtel à Yokohama. Certaines photographies possèdent une légende et un numéro. Les premiers recueils ne montraient avec Felice Beato que des vues du Japon ancien en noir et blanc, et la représentation et la demande ont évolué. Ces vues japonaises sont très proches dans leur mise en scène et leur cadrage de l'art de l'estampe. On y retrouve le goût japonais, déjà illustré par l'estampe, pour les sites célèbres.
En outre, on ne voit quasiment plus d'hommes dans les photographies de cette époque car les photographies sont censés représenter le Japon contemporain et les hommes sont désormais habillés à l'occidental, il n'y a plus de samouraï. C'est pourquoi ce sont les femmes qui sont représentées dans plus de 70 pour cent des photographies de cette époque et on voit dans ce recueil que deux hommes, qui sont des porteurs. A ce propos, ce sont toujours des Geishas qui sont utilisées pour les photos. Tous les ateliers avaient ainsi des contrats avec des maisons de Geisha qu'ils faisaient poser pour toutes les scènes : musiciennes, etc.
Les photographies de femmes : La première représente 5 femmes pratiquant des instruments de musique traditionnels, la seconde un groupe de 4 femmes composant des bouquets, une troisième figure des musiciennes et danseuses, la suivante un groupe de 6 femmes jouant à colin maillard. LA sixième photographie a bien été identifié comme étant de Tamamura, on y voit en médaillon la même femme riant, ouvrant puis se cachant les yeux, avec la légende Mother says, i must neither talk, listen nor look. La 9e photographie, portrait d'une geisha à l'éventail, a été également identifiée comme étant de Tamamura.
Tamamura Kasaburo s'installa d'abord à Tokyo en tant que photographe, puis en 1883 à Yokohama. Il fut un des pionniers du Yokohama shenshin, pratiquant un commerce intense avec les Etats-Unis.
On doit noter cependant que toute attribution à un photographe est difficile en raison même de l'histoire de la photographie au Japon, car tous les ateliers européens et les premiers ateliers Japonais ont été rachetés par des Japonais et les plaques continuaient d'être exploitées sous le nom du nouveau photographe. Cependant, cet album est comparable (par ses sujets et sa reliure) à des exemples déjà connus. Peu d'albums et de photographies portent une signature ou une marque d'atelier. Par exemple, on sait que Beato quitte la photographie professionnelle en 1872, Le baron von Stillfried quitte définitivement le Japon en 1881. La même année, Kimbei Kusakabe (1841-1934), élève de Beato et Stillfried, ouvre son propre studio à Yokohama. Il rachètera quatre ans plus tard une partie des négatifs de ses deux maîtres et les retirera régulièrement.