Raoul DUFY
BIANCHINI-FERIER
Croquis de mode par Raoul Dufy. Soieries de Bianchini-Férier (Croquis, La Gazette du Bon ton, 1920 n°1) [suivi de] Robes pour l'été 1920. Panorama de Raoul Dufy et soieries de Bianchini-Férier (Croquis, La Gazette du Bon ton, 1920 n°4)
Lucien Vogel éditeur, Paris 1920, 18x24cm, relié.
Ensemble de huit estampes originales en couleur, tirées sur papier vergé et signées en bas à droite des planches. Ce cahier est suivi d'une planche illustrée de onze modèles de robes.
Formé aux Beaux-arts de Paris, Raoul Dufy commence à se faire connaitre quand Maurice Denis lui achète une de ses toiles, exposée au Salon des indépendants de 1903. En 1910, Dufy travaille aux côtés de Guillaume Apollinaire et illustre de plusieurs bois gravés son
Bestiaire. Impressionné par ce travail, le couturier Paul Poiret lui propose de travailler avec lui ; Dufy se lance alors dans le dessin de mode et monte une entreprise de décoration et d'impression de tissus avec Poiret. C'est par ce biais qu'il entre peu de temps après à la G
azette du Bon ton, où d'un trait toujours extrêmement élégant, il réalise de rares mais très appréciées vignettes. Sa prédilection pour les couleurs vives – issue de de son attirance pour le fauvisme – conforte son succès auprès du public au point de se voir attribuer une commande d'Etat en 1936 dans le cadre de l’Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne prévue en 1937. C'est à cette occasion qu'il réalise son œuvre la plus connue,
La Fée électricité, vaste fresque représentant l'histoire de l'électricité et de ses applications. Contrairement aux autres dessinateurs de la
Gazette et à l'instar de Bakst, notamment, Dufy se montre relativement indépendant vis-à-vis du monde de la mode et se détourne assez rapidement de ses productions pour la
Gazette.
Gravures originales réalisées pour l'illustration de La Gazette du bon ton, l'une des plus belles et des plus influentes revues de mode du XXème siècle, célébrant le talent des créateurs et des artistes français en plein essor de l'art déco. Célèbre revue de mode fondée en 1912 par Lucien Vogel,
La Gazette du bon ton a paru jusqu'en 1925 avec une interruption durant la Guerre de 1915 à 1920, pour cause de mobilisation de son rédacteur en chef. Elle se constitue de 69 livraisons tirées à seulement 2000 exemplaires et est illustrée notamment de 573 planches en couleurs et de 148 croquis représentant des modèles de grands couturiers. Dès leur parution, ces luxueuses publications « s’adressent aux bibliophiles et aux mondains esthètes » (Françoise Tétart-Vittu « La Gazette du bon ton » in
Dictionnaire de la mode, 2016). Imprimées sur beau papier vergé, elles utilisent une police typographique spécialement créée pour la revue par Georges Peignot, le caractère Cochin, repris en 1946 par Christian Dior. Les estampes sont réalisées grâce à la technique du pochoir métallique, rehaussées en couleurs et pour certaines soulignées à l’or ou au palladium.
L’aventure commence en 1912 lorsque Lucien Vogel, homme du monde et de la mode – il a déjà participé à la revue
Femina – décide de fonder avec sa femme Cosette de Brunhoff (sœur de Jean, le père de
Babar) la
Gazette du bon ton dont le sous-titre est alors « Art, modes et frivolités ». Georges Charensol rapporte les propos du rédacteur en chef : «
En 1910, observe-t-il, il n’existait aucun journal de mode véritablement artistique et représentatif de l’esprit de son époque. Je songeais donc à faire un magazine de luxe avec des artistes véritablement modernes […] J’étais certain du succès car pour la mode aucun pays ne peut rivaliser avec la France. » (« Un grand éditeur d’art. Lucien Vogel » in
Les Nouvelles littéraires, n°133, mai 1925). Le succès de la revue est immédiat, non seulement en France, mais aussi aux Etats-Unis et en Amérique du Sud.
À l'origine, Vogel réunit donc un groupe de sept artistes : André-Édouard Marty et Pierre Brissaud, suivis de Georges Lepape et Dammicourt ; et enfin ses amis de l'École des beaux-arts que sont George Barbier, Bernard Boutet de Monvel, ou Charles Martin. D’autres talents viennent rapidement rejoindre l’équipée : Guy Arnoux, Léon Bakst, Benito, Boutet de Monvel, Umberto Brunelleschi, Chas Laborde, Jean-Gabriel Domergue, Raoul Dufy, Édouard Halouze, Alexandre Iacovleff, Jean Émile Laboureur, Charles Loupot, Charles Martin, Maggie Salcedo. Ces artistes, inconnus pour la plupart lorsque Lucien Vogel fait appel à eux, deviendront par la suite des figures artistiques emblématiques et recherchées. Ce sont ces mêmes illustrateurs qui réalisent les dessins des publicités de la
Gazette.
Les planches mettent en lumière et subliment les robes de sept créateurs de l'époque : Lanvin, Doeuillet, Paquin, Poiret, Worth, Vionnet et Doucet. Les couturiers fournissent pour chaque numéro des modèles exclusifs. Néanmoins, certaines des illustrations ne figurent aucun modèle réel, mais seulement l'idée que l'illustrateur se fait de la mode du jour.
La Gazette du bon ton est une étape décisive dans l’histoire de la mode. Alliant l'exigence esthétique et l'unité plastique, elle réunit pour la première fois les grands talents du monde des arts, des lettres et de la mode et impose, par cette alchimie, une toute nouvelle image de la femme, élancée, indépendante et audacieuse, également portée par la nouvelle génération de couturiers Coco Chanel, Jean Patou, Marcel Rochas…
Reprise en 1920 par Condé Montrose Nast, la
Gazette du bon ton inspirera largement la nouvelle composition et les choix esthétiques du « petit journal mourant » que Nast avait racheté quelques années auparavant : le magazine
Vogue.