Jacques STEUART
Recherche des principes de l'économie politique
Didot l'aîné, Paris 1789, in-8 (13x20cm), xliv ; 458 pp. (1) et vij (1) 499 pp. et xlij (2) 431 pp. et (2) viij ; 456 pp. et viij ; 569 pp., 5 volumes reliés.
Édition originale française, rare. Traduction par Etienne François de Sennevert. Bonne impression sur beau papier vergé.
Reliures de l'époque en plein veau porphyre glacé, dos lisses ornés de petits fers caissonnés et de roulettes, pièces de titre en maroquin noir, pièces de tomaison en maroquin tabac, triple filet d'encadrement sur les plats. Épidermures sur les plats, sur les mors et les filets d'encadrement. Légère trace de mouillure brune en marge haute des feuillets préliminaires au tome 1. Un petit manque en queue du tome 4. Coiffe de tête du tome 2 légèrement élimée en partie. Manque au mors inférieur en queue du tome 1. Malgré divers petits accidents, très bel exemplaire.
Issu d'une famille aisée de juristes écossais, Steuart en embrassa à son tour la carrière. En 1735, il est admis au barreau d'Edimbourgh et entreprend immédiatement son Grand Tour. Ce voyage, réalisé à l'époque par les jeunes gens des classes aisées de la société européenne, le mena en Allemagne, en France, en Espagne et à Rome. Ce fut sans doute pour lui l'occasion d'observer les différents systèmes politiques de l'Europe continentale. Au bout de cinq années, il revint en Ecosse et soutient les révoltes jacobites visant à réinstaurer le règne des Stuart après leur destitution à la suite de la Glorieuse Révolution de 1688. A la suite de la défaite de Culloden et de l'échec du prétendant au trône, il est contraint de s'exiler en France, en Flandres puis à Francfort, avant de s'établir quelques années à Tübingen.
Ses nombreux voyages, ainsi que son amitié avec Hume, éveillèrent son intérêt pour l'économie politique et c'est en 1767 qu'il fit paraître son Inquiry into the Principles of Political Economy, ouvrage qui contribuera à la fin de son exil de vingt ans, puisqu'il sera autorisé à regagner l'Ecosse en 1771. C'est, en outre, la première fois depuis le Français Antoine de Monchrestien en 1615 que le terme d'« économie politique » est employé.
Pour la première fois, la science économique est envisagée comme un système à la fois théorique et pratique, comme en témoigne la définition de Steuart : « Le principal objet de cette science est d'assurer un certain revenu de subsistance pour chaque habitant, de parer à toutes les circonstances qui pourraient le rendre précaire ; de fournir toutes les choses nécessaires pour satisfaire les besoins de la société, et d'employer les habitants (…) de manière à créer des relations réciproques et des liens de dépendance entre eux » (« The principal object of this science is to secure a certain fund on subsistence for all the inhabitants, to obviate every circumstance which may render it precarious ; to provide every thing necessary for supplying the wants of the society, and to employ the inhabitants (…) in such a manner as naturally to create reciprocal relations and dependencies between them »).
Méthodique et ordonné, Steuart déploie toute sa nomenclature économique divisant son ouvrage en cinq grands livres. Le premier concerne l'influence du développement de l'agriculture sur la croissance de la population ; l'économiste y traite également du travail et de sa répartition et notamment de l'introduction des machines dans les manufactures. Il se demande dès lors si la présence de machines dans les manufactures est préjudiciable, à travers l'emploi, à l'intérêt de la population. Le deuxième livre s'intéresse quant à lui au commerce et à l'industrie, et plus spécifiquement aux échanges marchands entre les nations. La troisième partie se focalise quant à elle sur les monnaies « artificielles ou matérielles », leur application dans le commerce et leur imposition. Le quatrième volet est consacré au crédit et aux dettes mais aussi aux banques et au change. L'ultime et cinquième livre traite des taxes et impôts. Chaque partie voit son plan détaillé développé au début du volume dans lequel elle est contenue.
Ce vaste travail aurait dû être considéré comme le texte fondateur du libéralisme économique s'il n'avait pas été éclipsé neuf ans plus tard par la Richesse des Nations d'Adam Smith, dont les propos de Steuart auraient pu saper l'utopie. Etienne François de Sennevert dans la préface à sa traduction française intitulée Recherche des principes de l'économie politique (1789) rend pourtant justice à Steuart : « Le chevalier Steuart a eu cet honneur que n'obtient pas la médiocrité : il a été peu cité, il est vrai ; mais on l'a souvent copié. M. Smith lui-même, dans son ouvrage, très justement célèbre, De la Richesse des Nations, a fondu, dans les trois premiers livres, tout ce que notre auteur a dit sur les mêmes sujets, mais sans les approfondir autant, par ce qu'ils ne sont que des accessoires à son plan, et qu'il suppose, en quelque sorte, que les développements sont connus de ses lecteurs. » Car il faut souligner qu'Adam Smith ne fait pas une seule fois occurrence aux travaux de son confrère ; d'autres penseurs comprirent cependant le rôle fondateur des principes de Steuart, notamment Marx qui le cita à plusieurs reprises dans son célèbre Capital.
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