Philippe GALLE
Semideorum marinorum amnicorumque sigillariae imagines perelegantes in picturae statuariaeque artis tyronum usum à Philippo Gallaeo delineatae, sculptae et aeditae [suivi de] Nimpharum oceanitidum, ephydridum potamidum, naiadum, lynadumque icones, in gratiam picturae stu diosae...
Antverpiae Ambivaritor, Antverpiae (Anvers) 1586 -1587, in-4 (17x22cm), (35f.), relié.
Très rare recueil de gravures en édition originale des deux séries complètes des dieux et nymphes marines représentés en pied, éditées à Anvers par Philippe Galle. L’ensemble est constitué de 34 planches, de 167 mm par 217 mm, gravées, numérotées et légendées sur cuivre, ainsi que deux titres frontispices. La première série des divinités masculines intitulée
Semideorum marinorum amnicorumque sigillariae imagines perelegantes in picturae statuariaeque artis tyronum usum fut réalisée en 1586, tandis que la seconde,
Nimpharum oceanitidum ephydridum potamidum naiadum lynadumque icones in gratiam picturae studiosae ivventutis deliniatae scalptae et editae a Philip. Gallaeo, consacrée aux divinités féminines, parut l’année suivante, en 1587. On notera qu’un recueil intitulé
Nimpharum icones avait auparavant paru en 1583, mais qu’il ne contenait pas les dix-sept gravures. Les dernières planches de
Nimpharum portent les signatures de Hiero Wierix et Ioann. Collaert.
Reliure flamande d’époque en plein vélin à petits rabats, dos lisse orné, en tête, d’un titre à la plume. Annotations manuscrites également de l’époque au dos de certaines planches rendant explicite l’identité des figures. Quelques très infimes travaux de ver au niveau des plats et des contreplats, sans gravité.
Philippe Galle (1537-1612), issu d’une dynastie de graveurs, est l’un des plus importants burinistes et éditeurs des écoles flamande et hollandaise de la seconde moitié du XVI
ème siècle. élève dès 1556 de l’érudit humaniste Dirck Volkertsz Coornhert (1522-1590) à Haarlem, il lui succéda comme graveur des œuvres de Maarten van Heemskerck (1498-1574). L’année suivante, il rejoint à Anvers la maison d’édition de l’artiste, imprimeur et marchand d’estampes Jérôme Cock (1518-1570), dont il prend, là encore la succession en s’établissant comme l’un des principaux graveurs de son contemporain Pieter Brueghel l’Ancien (1525-1569). Au centre de la production de gravures anversoise, Philippe Galle compta parmi ses élèves Hendrick Goltzius (1558-1617) ou Crispin de Passe l’Ancien (1564-1637).
Ce précieux recueil d’allégories, présentant les principaux dieux des océans, des mers, des fleuves et des rivières, apparaît, du point de vue stylistique, comme un remarquable syncrétisme du naturalisme nordique et du maniérisme italien.
Le voyage entrepris entre 1560 et 1561 à travers l’Allemagne, la France et l’Italie, a sans doute été l’une des sources de ces influences éclectiques. Les traits de la musculature féminine, rappelant Michel-Ange, aussi bien que l’allongement des silhouettes digne d’une Madone de Parmesan, témoignent des apports de la Haute Renaissance italienne et des débuts du maniérisme. Dans l’héritage d’un Schongauer ou d’un Dürer, l’expressivité des visages et des carnations, aux effets véristes, atteste quant à elle davantage d’une esthétique germanique.
Cette acuité et ce souci du réalisme des corps et des expressions sont à rattacher à l’activité de portraitiste de Philippe Galle, qui grava d’après nature nombre de ses contemporains humanistes, parmi lesquels Vésale, Erasme, Guillaume Budé ou Thomas More. Il s’illustra ainsi comme l’un des premiers auteurs de recueils de portraits d’hommes savants du XVI
ème siècle.
à travers ces deux séries de gravures, composées tour à tour de personnages hérités des mythologies antiques aussi bien que de personnifications de cours d’eau des différentes aires géographiques européennes, Galle parvient à rendre subtil le jeu des physionomies. Des rives méditerranéennes du Nil (
Nilus) à celles de la Tamise (
Tamesis) septentrionale, l’artiste rend sensible la diversité des figures, où chacune semble osciller entre idéalisation classique et individualisation réaliste.
L’iconographie à caractère topographique ou mythologique renvoie chacun des personnages à son mythe ou à son aire géographique ; obélisque, pyramide et crocodile accompagnant le Nil, Neptune (
Neptunus) brandissant son trident, la barque de Charon voguant sur le Styx, Nérée (
Nereus) entouré de ses filles, les Néréides, Lerne et son Hydre, Glaucos (
Glaucus) contemplant Scylla ou encore Acis rejoignant la mer sous les yeux de Galatée...
Ce recueil de Philippe Galle est à replacer dans le développement des mises en scène allégoriques dans l’art du XVI
ème siècle, notamment dû à l’essor des livres d’emblèmes, des
Hieroglyphica d’Horapollon publiés par Alde en 1505 à l’
Iconologia de Cesare Ripa de 1593.
On trouve un exemplaire des deux recueils qui composent notre ouvrage à la bibliothèque de Cambridge, mais sans détails descriptifs ; le
Nimpharum icones est également indexé dans
Netherlandish books publié par Andrew Pettegree, Malcolm Walsby. Nous comptons également un exemplaire à la bibliothèque de Passau, un à la Bibliothèque nationale de France, un à la Bibliothèque nationale d’Espagne et un à la bibliothèque universitaire d’Erfurt. L’Université de Liège qui possède ce recueil fait seulement état de douze gravures.
Les autres exemplaires que nous avons pu identifier comptent uniquement la série masculine, ils sont conservés à la Cultura Fonds Library de Dilbeek, à la British Library de Londres, ainsi qu’à la Bodleian Library d’Oxford. Le Metropolitan Museum de New York, le British Museum de Londres, et le Rijksmuseum d’Amsterdam, conservent notamment quelques planches extraites des deux séries.
Rarissime exemplaire contenant les deux séries complètes, grand de marges, avec titres frontispices, en reliure flamande de l’époque.