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Bertolt BRECHT Tapuscrit original en langue allemande signé par l'auteur - définition du Verfremdungseffekt

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Bertolt BRECHT

Tapuscrit original en langue allemande signé par l'auteur - définition du Verfremdungseffekt

S.n. 1955, 17,5x20,9cm, une page sur une feuille.


| « L'art du théâtre a absolument besoin d'une technique de distanciation » |


Tapuscrit original en langue allemande signé à la plume par Bertolt Brecht, 22 lignes sur un feuillet. Une correction à la machine. Discrètes traces de plis, et quelques ombres.
Publié dans la correspondance de Brecht (GBA, Briefe 3, p. 356).
Importante définition par Brecht de son fameux Verfremdungseffekt, phénomène de distanciation ou "d'aliénation" théâtrale dont il est l'inventeur. Le dramaturge expose pour le public français la mission politique et esthétique de ces effets dramatiques.



Il s'agit d'un très rares écrits théoriques en mains privées, l'essentiel de ses archives étant à l'Akademie der Künste de Berlin (Bertolt-Brecht-Archiv)

C'est à l'occasion de sa dernière venue à Paris que le dramaturge envoie ce véritable manifeste de la Verfremdung au journaliste de théâtre Henry Magnan. Le texte reflète l'intérêt renouvelé de la France pour sa démarche révolutionnaire : « Du 20 au 24 juin 1955, la troupe du Berliner Ensemble joue Le Cercle de craie caucasien dans le cadre du second Festival international des arts dramatiques à Paris ; Brecht y participe malgré des problèmes de santé. L'intérêt du public dépasse même celui suscité par la première représentation parisienne en 1954. Toutes les représentations se jouèrent à guichets fermés. La pièce, avec ses références politiques actuelles, posa parfois problème aux critiques, mais la mise en scène fut unanimement saluée. » (Noah Willumsen, Brecht. Interviews 1926-1956, 2023). 
Le texte accompagne un entretien accordé à Magnan pour Le Monde ("Déclarations de M. Bertolt Brecht", 25 juin 1955). Cette déclaration tapuscrite sera cependant tronquée dans l'article contre la volonté de Brecht dont la « seule exigence (ô quel homme !) fut de nous demander de transcrire exactement la lettre », lit-on pourtant dans l'article ! La traduction avait même totalement changé le sens de la seconde phrase, en effaçant la négation présente dans notre version originale : « Au fond il s'agit toujours d'effets de distanciation lorsque l'art [ne] maintient [pas] l'illusion pour nous de nous trouver en présence de la nature ». Une omission, probablement involontaire, qui déformait la définition même de son projet théâtral fondé sur la Verfremdung.
Comme le socialiste George Bernard Shaw avant lui, Brecht voulait ouvertement changer l'esprit de son public, c'est-à-dire réfléchir à l'ancien, à l'acquis, ne pas se contenter de l'accepter, le modifier si nécessaire et viser la nouveauté. Son engagement politique a non seulement façonné le contenu de son théâtre, mais aussi sa forme. C'est le grand paradoxe du théâtre brechtien, dont les fameux procédés sont eux-mêmes anciens :
« Les "effets de distanciation" sont connus depuis longtemps dans le théâtre et dans les autres arts […] Ainsi, sur scène, le monde représenté est déjà distancié par la convention de la versification, ou par un style très personnel ou par le changement brusque du vers à la prose ou du sérieux au comique. J'utilise moi-même des effets de distanciation (dont les anciens mentionnés ci-dessus) pour faire apparaître la nature de la société humaine comme n'étant pas si naturelle (Naturelle, mon cher, c'est la nature), c'est-à-dire évidente et incontestable. La science traite depuis longtemps les "forces de la nature" (épidémies, cataclysmes météorologiques, la nuit, etc.) comme le fruit de la nature, mais en aucun cas naturelles. L'art est toujours impuissant devant la nature humaine et les catastrophes sociales individuelles ou générales (désir de puissance, amour, guerre, etc.). L'art reste défaitiste en présence de la nature humaine.
Dans quelques écrits théoriques j'ai essayé de montrer pourquoi l'art du théâtre a absolument besoin des ‘effets de distanciation' – d'ailleurs pas nécessairement les miens ».  Ses innovations non-réalistes représentent dans une large mesure un retour à la tradition théâtrale classique européenne – tout en puisant dans diverses sources, dont le théâtre asiatique, élisabéthain ou expressionniste.
Comme le montre les erreurs de transcription et les coupes effectuées dans le texte original de Brecht, « La presse française n'a pas réussi du premier coup à s'approprier le nouveau vocabulaire brechtien : les délais de publication et une certaine omniscience journalistique ont souvent fait obstacle à un travail de conceptualisation prudent. Mais en discutant avec Magnan, on se rend compte que derrière le cliché du poète renfermé se cachent les efforts que Brecht a déployés lors de son dernier voyage à Paris pour rendre ses concepts accessibles et compréhensibles. Non seulement il accorda une interview à son critique [Magnan], mais il envoya également une lettre à la suite de l'entretien [ce tapuscrit] » (Noah Willumsen).   
Célébré par Roland Barthes, le “V-effekt” fera de nombreux émules tant au théâtre qu'au cinéma : on peut citer la célèbre pièce d'Arthur Miller The Crucible dont les procédés de narration mettent en regard les procès de Salem et le maccarthysme des années 1950 – ou encore les films de Jean-Luc Godard, dont l'esthétique cinématographique doit beaucoup aux dispositifs brechtiens.
 
Construire une société neuve grâce aux artifices du théâtre – voici l'enseignement de cet admirable testament théorique de Bertolt Brecht, écrit pour la presse un an avant sa disparition : « Au cours de sa carrière, il a lentement transformé l'interview en une forme moderne de littérature orale. Les universitaires ont souvent négligé ses nouvelles possibilités […] Depuis la mort de Brecht, l'interview est devenue un élément essentiel de sa vocation d'auteur ; son rôle dans cette évolution ne doit pas être oublié. » (Norman Roessler).
Provenance : Archive de Henry Magnan, poète, journaliste et chroniqueur au Monde, Combat, Les Cahiers du Cinéma et Les Lettres françaises. Il rédigea un article encyclopédique sur Brecht (Larousse mensuel, 1956).
 



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