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André BRETON "Coqs de Bruyère" : poème autographe de jeunesse « et seront-ce coquetteries / de péril / ou de casques couleur de quetsche ? »

4 500 €

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André BRETON

"Coqs de Bruyère" : poème autographe de jeunesse « et seront-ce coquetteries / de péril / ou de casques couleur de quetsche ? »

circa 1917-1918, 22,3x27,6, une feuille sous chemise et étui.


Remarquable poème de jeunesse autographe d'André Breton, intitulé "Coqs de Bruyère", 14 vers à l'encre noire sur papier vergé, composé en août 1916. Notre manuscrit fut rédigé entre mars 1917 et le début de l'année 1918. 
Notre poème est présenté sous chemise et étui aux plats de papier à motifs abstraits, dos de la chemise de maroquin vert olive, gardes et contreplats de daim crème, feuille de plexiglas souple protégeant le poème, étui bordé de maroquin vert olive, étiquette de papier olive portant la mention "poème autographe" appliquée en pied du premier plat de l'étui, ensemble signé de Thomas Boichot.
Poème essentiel de la période pré-dadaïste de l'auteur, il fait partie d'un ensemble cohérent de sept poèmes manuscrits de Breton (désigné sous le nom de coll.X. dans les Œuvres complètes d'André Breton, tome I de La Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1988, p. 1071). Ces poèmes, de sa graphie de jeunesse, sont soigneusement calligraphiés à l'encre noire sur paprier vergé filigrané. Cet ensemble a été adressé à son cercle d'amis et d'écrivains, où figurent notamment Valéry, Apollinaire, Théodore Fraenkel, et son frère d'armes André Paris. Il fut par la suite publié dans son premier recueil, Mont de piété, qui parut en juin 1919 à la maison d'édition Au sans Pareil, nouvellement fondée par son ami René Hilsum.
La datation précise de cet ensemble de poèmes autographes est déterminée par l'écriture du dernier poème de la collection (« André Derain »), composé le 24 mars 1917, qui offre un terminus post quem absolu. En outre, une version plus ancienne du poème « Age », dédié à Léon-Paul Fargue, figure dans notre collection sous son nom originel « Poème ». Daté par l'auteur du 19 février 1916 – le jour de ses vingt ans – et créé 10 jours plus tôt selon sa correspondance, il ne fut rebaptisé et remanié que pour sa publication en juillet 1918 dans Les Trois Roses. Selon toute vraisemblance antérieurs à la parution de ce dernier poème, les sept poèmes autographes furent probablement rédigés courant 1917 ou au début de l'année 1918, alors que Breton poursuit son internat au Val-de-Grâce et fait la rencontre décisive de Louis Aragon.
Les poèmes qui constitueront Mont de piété représentent un rare et précieux témoignage de ses influences de jeunesse, à l'aube de son adhésion au mouvement Dada et sa découverte de l'écriture automatique. Assez brefs et parfois sibyllins, on y sent poindre des accents symbolistes empruntés à Mallarmé, qu'il redécouvre lors de matinées poétiques au théâtre Antoine, au Vieux-Colombier, en compagnie de son camarade de lycée Théodore Fraenkel. Durant le premier mois de la guerre, Breton se consacre également à Rimbaud, et se plonge dans Les Illuminations, seul ouvrage emporté dans la confusion et la hâte qui suivit la déclaration de guerre.  De ses lectures rimbaldiennes naquirent les poèmes « Décembre », « Age », et « André Derain », tandis qu'il emprunte à Apollinaire sa muse Marie Laurencin à qui il dédie « L'an suave ». Par ailleurs, l'héritage poétique de l'auteur sera particulièrement marqué par la figure de Paul Valéry, avec qui il entre en correspondance dès 1914. Valéry joue dans l'écriture des poèmes de Mont de Piété un rôle considérable par l'attention et les conseils qu'il prodigue au jeune poète. Admiratif de l'audace de son disciple, qui lui adressa chacun de ses poèmes, il apprécie le poème « Facon » (1916) en ces termes : « Thème, langage, visée, métrique, tout est neuf, mode future, façon » (Lettre de juin 1916, Œuvres complètes d'André Breton, tome I de La Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1988, p. 1072). 
Ces fleurons incontournables de la jeunesse de Breton furent composés entre sa dix-septième et vingt-troisième année.  Surpris à Lorient par la déclaration de guerre, il devient infirmier militaire, puis officie dans plusieurs hôpitaux et sur le front pendant l'offensive de la Meuse. Il fait à Nantes la connaissance de Jacques Vaché, qui lui inspire un projet d'écriture collective, ainsi que l'illustration du futur recueil Mont de Piété, finalement réalisée par André Derain. La fréquentation de ce « dandy révolté contre l'art et la guerre », qui partage son admiration pour Jarry, et le contact des aliénés du centre neuro-psychiatrique de Saint-Dizier marquent une étape décisive dans la genèse du surréalisme. Affecté au Val-de-Grâce à partir de 1917, Breton trouve à Paris l'effervescence littéraire nécessaire à sa quête poétique et récite Rimbaud en compagnie d'Aragon. C'est par l'entremise d'Apollinaire qu'il se lie d'amitié avec Soupault, futur co-auteur des Champs magnétiques, et Reverdy, fondateur de la revue Nord-Sud, qui publiera des poèmes de Mont de piété. Les sept poèmes de la collection seront par la suite publiés dans des revues littéraires d'avant-garde (Les Trois Roses, Solstices, Nord-Sud) entre 1917 et le début de l'année 1919.
Quatre des sept poèmes furent dédiés aux maîtres et amis de l'auteur : Léon-Paul Fargue, et surtout Apollinaire, à qui Breton avait consacré une étude dans l'Eventail. L'auteur rend également hommage à Marie Laurencin et André Derain, créateurs "d'oeuvres plastiques encore toutes neuves, en butte à un décri et une intolérance presque unanimes", chères à Breton tout au long de sa vie (XXe siècle, n°3, juin 1952). Il multiplie avec ces dédicaces les allusions croisées, dédiant à l'un un poème inspiré par l'autre, à l'exemple de « Décembre », dédié à Apollinaire, qui fait écho à Rimbaud et son poème « Aube » (Les Illuminations, 1895). 

Ce poème champêtre fut composé « sur une belle route un dimanche » (note de Breton, 1930) durant le séjour de l'auteur à Chaumont avant son affectation au centre neuropsychiatrique de Saint Dizier. Il est publié pour la première fois dans la revue Nord-Sud, n°3, du 15 mai 1917. A l'instar de "Façon", écrit quelques mois auparavant, "Coqs de Bruyère" fait partie d'une série que Valéry considère comme des "brouillages des règles du jeu" – des exercices de savante destruction de l'ancien appareil poétique. Breton impose ici à l'alexandrin rimé l'apparence du vers libre et lui ajoute une force sonore par des jeux d'allitérations. En voici la deuxième strophe reconstituée :
« Au Tyrol, quand les bois se foncent, de tout l'être
abdiquant un destin digne, au plus, de chromos
savoureux mon remords : sa rudesse, des maux, 
je dégage les capucines de sa lettre. 
»
Le poème se double d'une subtile évocation de son aventure amoureuse avec une certaine Alice, rencontrée peu auparavant à Nantes.  Au mois de juin,  il confesse à André Paris : « J'aime quasi une jeune fille délicieuse nommée Alice, inquiétante et fine, qui conduit un très beau chien, est brune, mystérieuse et tendre. Elle ne sait rien de moi ni moi rien d'elle, hors des formes que nous avons prises pour nous plaire et du goût des baisers, du vertige d'être ensemble. Je la trouve magnifique. Espagnole à l'évidence. Je l'aime depuis quelques jours pour, sans doute, encore quelques jours… ». Elle figurera à nouveau dans le chapitre "Saisons" des Champs magnétiques, écrits trois ans plus tard. 

Rarissime manuscrit datant la jeunesse d'André Breton,  qui mêle le souvenir de sa mystérieuse bien-aimée Alice à la guerre qui vient de débuter. 
 

4 500 €

Réf : 64267

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