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Guy de MAUPASSANT Manuscrit autographe à la Comtesse Potocka : « Vous prenez un chien enragé que vous faites manger par un lapin; vous faites ensuite dévorer ce lapin par un mouton »

3 800 €

Réf : 66470

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Guy de MAUPASSANT

Manuscrit autographe à la Comtesse Potocka : « Vous prenez un chien enragé que vous faites manger par un lapin; vous faites ensuite dévorer ce lapin par un mouton »

s.l. s.d. [juillet-août 1885], 9,6x15,5cm, une feuille.



« Elixir Pasteur
Vous prenez un chien enragé que vous faites manger par un lapin ; vous faites ensuite dévorer ce lapin par un mouton, le mouton par un rat, le rat par une mouche, la mouche par une araignée et l'araignée par une grenouille.
Ce dernier animal reçoit donc le virus rabique à sa septième puissance et il enrage instantanément.
Vous lui enlevez alors l'œil gauche dont vous extrayez le fluide visuel au moment d'une seringue à morphine. Vous mettez ce fluide dans un petit pot de granit avec cinq gouttes de bave de journaliste, quarante gouttes de salive d'avocat, dix-huit gouttes nasales d'un invalide, sept larmes de candidat académique repoussé, deux milligrammes de sang froid du général Brière de Lille, un centimètre d'orgueil de romancier – vous faites bouillir pendant dix-huit heures et puis vous communiquez ce remède au malade au moyen d'un petit clystère.
C'est par cette méthode que tout accident a été évité pendant le dernier congrès. »




Manuscrit autographe de Guy de Maupassant adressé à la comtesse Potocka, 36 lignes à l'encre noire sur deux pages. Pliure horizontale au centre. Publiée dans Philippe Dahhan, Guy de Maupassant et les femmes : essai, Bertout, 1996.
Insolite manuscrit de Guy de Maupassant, donnant une fausse composition du vaccin contre la rage, qu'il appelle « Élixir Pasteur », fabriqué entre autres avec « sept larmes de candidat académique repoussé », « cinq gouttes de bave de journaliste » et « un centimètre d'orgueil de romancier ».
 

Cette amusante prescription est adres­sée à la comtesse Potocka, riche aris­tocrate mondaine et intellectuelle dont la grande beauté et la personnalité volage apparaissent en filigrane de nouvelles et de chefs-d'œuvre romanesques de l'au­teur (Mont-Oriol, Notre cœur, humble drame).
Maupassant écrit à Emmanuela Pignatel­li di Cergharia, épouse du comte Nicolas Potocki, qui occupait avenue Friedland à Paris, un hôtel somptueux où elle ré­unissait une véritable cour de soupirants « morts d'amour pour elle », surnom­més « Macchabées » par allusion aux sept frères martyrs de la Bible. Le compositeur Camille Saint-Saëns lui écrivit une ma­zurka, Guerlain créa pour elle un parfum ; son charme fut immortalisé par le peintre Léon Bonnat, et un jeune Marcel Proust signera une chronique du Figaro sur son sa­lon si réputé. Elle fut la grande conquête et muse de Maupassant, qui ne cessa de la courtiser jusqu'à la fin de sa vie.
L'auteur donne à la comtesse une impro­bable recette de l'Élixir Pasteur, inspirée par les expériences sur la rage de Louis Pasteur à partir de la moelle du lapin. Le manuscrit autographe, non-daté, a proba­blement été écrit en 1885 dans le courant de juillet-août, lorsque Pasteur injecte avec succès son vaccin antirabique au petit
Joseph Meister, âgé de neuf ans. Maupas­sant déploie ses talents pour la farce et la parodie, dévoyant le langage médical pour créer un faux vaccin :
« Ce dernier animal reçoit donc le virus rabique à sa septième puis­sance et il enrage instantanément. Vous lui enlevez alors l'œil gauche dont vous extrayez le fluide visuel au moyen d'une seringue à mor­phine. Vous mettez ce fluide dans un petit pot de granit avec cinq gouttes de bave de journaliste ».
Diagnostiqué syphilitique depuis une di­zaine d'années, Maupassant était en effet particulièrement familier des remèdes et potions, fréquent visiteur de villes d'eaux et suivi par de nombreux médecins avant son internement à la clinique du docteur Blanche, où il mourut de paralysie géné­rale le 6 juillet 1893. Cette lettre humo­ristique adressée à la comtesse Potocka fait partie des innombrables tentatives de séduction engagées par Maupassant, amoureux éternellement contrarié : l'écrivain lui offrit ses manuscrits, com­posa des poèmes sur des éventails, et se rendit presque quotidiennement chez elle pendant ses séjours à Paris. Leur corres­pondance se poursuivit pendant de nom­breuses années, Maupassant venant même à créer la « Société Anonyme Anti-Sopori­fique pour la Récréation perpétuelle de la Comtesse Potocka », dans le seul but de distraire la comtesse et d'échapper à son indifférence : « Sentant donc que mes ef­forts demeurent souvent stériles devant votre indifférence voulue j'ai cherché par quel procédé je pourrais venir à bout, en toute occasion, de votre ennui. » (Lettre d'août 1885, The Pierpont Morgan Libra­ry, New York).
L'écrivain termine sa recette par une amusante remarque, prouvant l'efficacité de son remède contre la rage : « C'est par cette méthode que tout acci­dent a été évité pendant le dernier Congrès », en référence au congrès de Berlin de février 1885, où fut décidé le partage systématique de l'Afrique entre les pays coloniaux.
Provenance : collection Jean Bonna.

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