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Guy de MAUPASSANT Lettre autographe signée à la Comtesse Potocka : « Dites, Madame, voulez-vous un fétiche ? [...] je porte bonheur moi-même !»

5 000 €

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Guy de MAUPASSANT

Lettre autographe signée à la Comtesse Potocka : « Dites, Madame, voulez-vous un fétiche ? [...] je porte bonheur moi-même !»

Paris s.d. [début janvier 1884], 10,2x13 cm, 4 pages sur un feuillet double.


Lettre autographe signée de Guy de Maupas­sant à la comtesse Potocka, 67 lignes à l'encre noire sur un papier à en-tête « GM 83, rue Du­long », enveloppe jointe.
Publiée dans Marlo Johnston, « Lettres inédites de Maupassant à la comtesse Potocka », Histoires littéraires, n°40, octobre-novembre-décembre 2009.
Cette longue missive débute par une commission qui a été faite à Maupassant : « Je m'acquitte tout de suite d'une commission dont on me charge pour vous, bien qu'il me semble y découvrir un peu d'ironie. La princesse Ouroussow, qui vient de m'écrire pour me demander d'aller la voir ce soir, me prie, en post-scriptum, de la rappeler à votre souvenir lorsque je vous verrai. » La prin­cesse Ouroussow était l'épouse de l'ambassadeur russe à Paris. Avec la Comtesse, elle faisait partie de ce gotha mondain qui entourait les auteurs et les artistes.
L'ironie dont il fait mention est celle-ci : « Comme des gens réputés perspicaces ont affirmé que toute la pensée d'une lettre de femme est dans le post-scriptum, [...] j'ai tenu à remplir immédia­tement mon rôle d'intermédiaire. » Il a déduit de cet ajout « que la lettre de la princesse, malgré ce qu'elle contient d'aimable pour moi, s'adressait à vous ».
Cette étonnante lettre aborde par la suite un penchant peu connu de Mau­passant : son goût pour les fétiches. Il informe sa correspondante que : « La main, depuis qu'elle est revenue de chez vous, me semble dans une agita­tion extraordinaire. » Il s'agit de la fa­meuse main que Maupassant avait acheté à George Powell. C'était par l'entremise du poète Charles Swinburne (que Maupassant sauva presque de la noyade) que les deux hommes se rencontrèrent à Étretat en 1868. Powell et Swinburne y partageaient une mai­son, emplie de la collection de curiosités de Powell. La main dont il est question était mo­mifiée et elle a inspiré Maupassant par deux fois. Une première en 1875 avec La Main de l'écorché, puis en 1885 avec La Main.
Cette nervosité du porte-bonheur conduit Maupassant à s'interroger : « Peut-être avez-vous eu tort de ne point la garder comme fétiche ? » Il ajoute : « Mais j'ai d'autres fétiches sin­guliers. En voulez-vous un ? » En effet, il en possède une collection : « Je possède la chaus­sure d'une petite Chinoise morte d'amour pour un Français. » Il commente les po­tentiels effets de ces objets : « Ce talisman porte bonheur aux désirs du coeur. J'ai encore une grande croix en cuivre, fort laide, qui faisait des miracles parait-il dans le village où je l'ai trouvée. » Mais ces talismans ne fonctionnent pas tous comme ils le devraient : « De­puis qu'elle est chez moi elle n'en fait plus. C'est peut-être le milieu qui la gêne. » Ce n'est pourtant pas le plus étonnant : « Mais ce que je possède de plus singulier ce sont les deux extrémités d'un homme trompé par sa femme et mort de chagrin. L'épouse coupable conserva le pied et la corne de ce mari [...] et les fit souder ensemble. J'ignore quel peut-être l'effet de cet objet. » Malgré le sé­rieux de l'affaire, Maupassant ne se départit pas de son humour : « Dites, Madame, voulez-vous un fé­tiche ? J'ajoute que mes amis prétendent que je porte bonheur moi-même ! Je mets à vos pieds ce dernier porte-veine qui demande la préférence. »
Pour faire écho à sa déclaration concernant les post-scriptum féminins, il en ajoute deux à sa lettre. Dans le premier il demande à la comtesse Potocka de le rappeler au souvenir de Mme Lambert. Cette dame était l'épouse d'Eugène Lambert, peintre connu pour ses chats et qui fréquentait le même milieu que Mau­passant et la comtesse. Le second est bien plus savou­reux : « Il ne faut pas attacher aux post-scriptum des hommes la même importance qu'à ceux des femmes. »

Provenance : collection Jean Bonna.

5 000 €

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