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"Vaumort" : poème autographe signé et illustré par l'auteur à son amante française

1 700 €

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Lawrence DURRELL

"Vaumort" : poème autographe signé et illustré par l'auteur à son amante française

1969, 30,4x39,5cm, une feuille.





Après de nombreuses années passées en Grèce, en Egypte et à Rhodes, l'écrivain voyageur Lawrence Durrell fut contraint de fuir Chypre à la suite de soulèvements populaires qui menèrent l'île à son indépendance. Riche seulement d'une chemise et d'une machine à écrire mais auréolé du succès de ses romans Bitter Lemons of Cyprus et Justine, il arriva en 1956 en France et s'établit dans le village languedocien de Sommières. Dans la « maison Tartès », sa grande demeure entourée d'arbres, il écrivit la seconde partie de son œuvre, son monumental Quintette d'Avignon, s'adonna à la peinture et reçut ses illustres amis, dont le couple Henry Miller et Anaïs Nin, le violoniste Yehudi Menuhin, l'éditeur londonien Alan G. Thomas, et ses deux filles Pénélope et Sappho.
Parmi les oliviers et sous le soleil méditerranéen, il y rencontre au milieu des années 1960 la jeune et pétillante « Jany » (Janine Brun), Montpelliéraine d'une trentaine d'années à la beauté ravageuse, qui travaillait au département des Antiquités de la Sorbonne à Paris. Elle fut prénommée « Buttons » en souvenir de leur première rencontre, où la jeune fille portait une robe couverte de boutons. Henry Miller tomba également sous le charme de « Buttons », louant sa beauté et son éternelle jeunesse dans d'exceptionnelles lettres restées inédites. Les trois compères passèrent des soirées parisiennes mémorables dont nous gardons de précieuses traces autographes sur un menu de restaurant et à travers leurs échanges épistolaires. Recommandée par Durrell, elle fit de nombreux voyages notamment en Angleterre d'où elle reçut une vaste correspondance de l'écrivain ainsi que des œuvres d'art originales signées de son pseudonyme d'artiste, Oscar Epfs.Exceptionnel poème autographe daté de 1969, signé et illustré de dessins originaux au graphite, feutres et crayons de couleur par Lawrence Durrell.
Le poème-œuvre d'art est adressé à Janine Brun, son amante française, et porte la dédicace « For Buttons », surnom affectueux que lui donnait l'écrivain, surmonté d'un cœur percé d'une flèche.
 
« Et je sus qu'à chaque fois que
Je veux être vraiment seul
Et me souvenir de toi, de cette journée,
C'est à Vaumort que je songerai ».
« I knew that whenever
I want to be perfectly alone
With the memory of you, of that whole [day,
It's to Vaumort that I'll be turning »
Trous d'épingles, déchirures marginales.
Publié pour la première fois dans Collected Poems : 1931-1974 (1980).
Dans ce poème-dessin, l'écrivain se remémore une journée d'amour passée dans le cimetière d'un petit village de l'Yonne en compagnie de son amante Janine Brun. Au même moment, Durrell se remet péniblement du décès prématuré de sa troisième femme, survenu deux ans auparavant, et publie sa série de romans dystopiques Tunc (1968) and Nunquam (1970). Il se retranche également dans la poésie, dernier exercice d'ascèse littéraire et philosophique d'un écrivain qui, progressivement, choisit de se retirer du monde.
C'est au cours d'une traversée depuis la capitale vers le Midi, que ce sont arrêtés les amoureux le temps d'une journée à Vaumort :
« Au-dessous de nous, très loin, la route [qui mène à Paris
Tu verses un peu de vin sur une tombe
Les abeilles boivent avec nous, les morts [acquiescent ».
« Below us, far away, the road to Paris.
You pour some wine upon a tomb.
The bees drink with us, the dead approve. »
La poésie de Durrell a souffert de l'éclatant succès de ses romans, cependant elle atteint ici une grande beauté lyrique, son vers libre néanmoins très musical reprenant le célèbre motif du cimetière :
« Un cimetière insouciant bourdonne
Comme si ses tombes étaient des ruches
Bousculées par des morts impatients -
Nous imaginions qu'ils avaient accumulé
Le miel de leur immortalité
Dans le doux tumulte des abeilles [noires ».
« One careless cemetery buzzes on and [on
As if her tombstones were all hives
Overturned by the impatient dead – We imagined they had stored up
[The honey their of their immortality
In the soft commotion the black bees make. »
 
L'écrivain s'exerce ici à capturer dans le poème un moment de bonheur et de plaisir charnel avec son amante, et encadre les vers qu'il lui offre de longs aplats de graphite et de nombreux dessins aux couleurs vives. Parallèlement à son travail d'écriture, l'auteur du Quatuor d'Alexandrie pratiquait en effet assidument la peinture et organisa plusieurs expositions de ses œuvres sous le pseudonyme « Oscar Epfs », son double artistique. Selon Serge Fauchereau, « [...] c'est grâce à son ami Henry Miller qu'il s'était mis à la peinture », en autodidacte, et qu'il produit à partir des années soixante des « fantaisies jubilatoires » (Jean Lacarrière), extrêmement colorées. On a ici un rare exemple d'une œuvre d'art double, à la fois poétique et picturale. Réalisée aux feutres et crayons de couleurs, proche des dessins de Joan Miró, elle constitue une magnifique illustration empreinte de naïveté, qui se marie admirablement au poème. Durrell poursuivit cette activité jusqu'à la fin de sa vie, passée à Sommières : on peut d'ailleurs y voir une véritable transcription picturale du « burnt and dusty Languedoc » (« Languedoc brûlé et poussiéreux », vers 12), auquel il rendra hommage dans son ultime roman Caesar's Vast Ghost.
Rare témoignage de l'aventure provençale de Durrell avec une jeune française, qui lui inspira un délicieux poème empreint de chaleur et de couleurs méditerranéennes.
 





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