René CHAR
Les matinaux
Gallimard, Paris 1950, 12x19cm, broché.
Edition originale, un des exemplaires du service de presse.
Envoi autographe signé de l'auteur à Maurice Blanchot.
Blanchot rencontre René Char dès 1940. Entre les deux hommes nait alors une amitié et une admiration profondes qui transparaissent dans leurs écrits. En 1946, après la publication d'un article de Blanchot à son sujet dans Critiques, Char écrira à Georges Bataille: "Je crois Blanchot indispensable à la place où il s'exprime comme vous êtes indispensable à la vôtre. Toute une région majeure de l'homme dépend aujourd'hui de vous." (7 déc. 1946; cf. G. Bataille, Choix de lettres). En 1964, il prendra la défense de son essai controversé: La perversion essentielle en ces termes: " Il n'a pas la mobilité oublieuse de la plupart des grands écrivains contemporains. Blanchot est fixé à la profondeur que la détresse entrave, (…) que la révolte électrise (…) seule profondeur qui comptera lorsque tout sera cendre ou sable…"(In Recherche de la base et du sommet). Mais c'est dans son recueil de poèmes La parole en archipel que René Char rendra le plus bel hommage à son ami en lui dédiant un poème: "Le Mortel partenaire"
"Il la défiait, s'avançait vers son coeur, comme un boxeur ourlé, ailé et puissant, bien au centre de la géométrie attaquante et défensive de ses jambes. Il pesait du regard les qualités de l'adversaire qui se contentait de rompre, cantonné dans une virginité agréable et son expérience. Sur la blanche surface où se tenait le combat, tous deux oubliaient les spectateurs inexorables. Dans l'air de juin voltigeait le prénom des fleurs du premier jour de l'été. Enfin une légère grimace courut sur la joue du second et une raie rose s'y dessina. La riposte jaillit sèche et conséquente. Les jarrets soudain comme du linge étendu, l'homme flotta et tituba. Mais les poings en face ne poursuivirent pas leur avantage, renoncèrent à conclure. A présent les têtes meurtries des deux battants dodelinaient l'une contre l'autre. A cet instant le premier dut à dessein prononcer à l'oreille du second des paroles si parfaitement offensantes, ou appropriées, ou énigmatiques, que de celui-ci fila, prompte, totale, précise, une foudre qui coucha net l'incompréhensible combattant. Certains êtres ont une signification qui nous manque. Qui sont-ils ? Leur secret tient au plus profond du secret même de la vie. Ils s'en approchent. Elle les tue. Mais l'avenir qu'ils ont ainsi éveillé d'un murmure, les devinant, les crée. Ô dédale de l'extrême amour !"
Tout au long de sa vie, Blanchot consacra de nombreux écrits à cet indéfectible ami dont, en 1953, une magnifique étude de son poème la "Bête innommable" qu'il publiera quelques années plus tard à la demande du poète sous le titre: "La Bête de Lascaux".
Quelle plus belle métaphore que cet art pariétal pour dire l'âme commune des deux poètes du secret que les journalistes regrouperont sous l'appellation "Les écrivains sauvages"?
Un petit manque en pied du dos, papier jauni comme généralement.
Exemplaire complet de son prière d'insérer.