Louis-Ferdinand CELINE
Les beaux draps
Nouvelles Editions Françaises, Paris 1942, 12x19cm, broché.
Nouvelle édition postérieure d'un an à l'originale.
Précieux envoi autographe signé de Louis-Ferdinand Céline, à Micheline Deshayes du Châtelet, conclu par cette étonnante signature: "L'ogre - Ferd Céline".Micheline Deshayes danseuse au Châtelet , est amie de Lucette Almazor que Céline fréquente depuis 1935. Elle deviendra, après guerre, danseuse étoile, et on retrouve à son propos la critique d'une de ses prestations au Grand théâtre de Reims dans le Guide du Concert de 1956: "Les deux danseurs étoiles de grande classe (...) se sont taillés un beau succès en particulier dans les préludes de Liszt où Micheline Deshayes fit admirer le fini de sa technique mise au service d'une grâce aussi sensible que légère".La passion de Céline pour la danse et les danseuses naît en 1915 dans les Music-Hall londoniens, et devient rapidement constitutive de sa vie comme de son oeuvre. D'Elisabeth Craig, sa compagne de 1926 à 1933, dédicataire du Voyage à Lucette Almanzor (avec laquelle il se marie en 1944), et sa grande amie Karen Marie Jensen, les femmes les plus importantes de la vie de Céline sont des danseuses. Céline témoigne régulièrement dans sa correspondance de l'importance que revêt pour lui cette forme artistique: "il m'est impossible de vivre sans la danse" et "danser tout est là - Nietzsche (si surfait) ne se trompait pas - 'je ne croirai à un dieu que s'il danse s'il raisonne ce cuistre à l'école !" (cf. cahiers de l'Herne n° 3 et 5). Dès 1933, il compose plusieurs ballets qu'il tentera vainement de faire jouer. Comme le souligne H. Godard qui y consacre un chapitre de sa biographie (Gallimard, 2011, p.222-231), la danse constitue pour Céline "un besoin existentiel (...) elle a le pouvoir d'alléger en lui la souffrance intime causée par sa vision si noire de l'homme et de la vie". Et il conclut: "les danseuses aident Céline à supporter les violences [du monde] (...) aussi bien que celles qu'elles suscitaient chez lui en retour."Ainsi son pamphlet, "Bagatelles" s'ouvre-t-il sur cette image de communion avec le monde, de "raffinement" : "Dans une jambe de danseuse le monde, ses ondes, tous ses rythmes, ses folies, ses voeux sont inscrits ! ... Jamais écrits !... Le plus nuancé poème du monde !... (...) Le poème inouï, chaud et fragile comme une jambe de danseuse en mouvant équilibre est en ligne, Gutman mon ami, aux écoutes du plus grand secret, c'est Dieu !(...) Je ne veux plus travailler que pour les danseuses... Tout pour la danse !". C'est au docteur Léon Gutman (alias René Gutman, "humaniste, passionné de danse (...) qui eut la rude tâche d'être l'ami juif de Céline et de Morand" cf. J. Lecarme in Albert Cohen dans son siècle p.232) que s'adresse cette éloge et c'est à lui que le narrateur demande de faire jouer ses deux ballets: "La naissance d'une fée" et "Voyou Paul, brave Virginie " dont les textes suivent. L'échec de Gutman déclenchera alors le long monologue antisémite. Mais, note J. Lecarme, a la fin du pamphlet une nouvelle intervention de Gutman dénonce le délire paranoïaque de Céline: "Tu délires Ferdinand (...) Je vais te faire interner ! (...) Ils sont tous juifs dans les asiles !... ça va bien les divertir... d'entendre ton numéro de folies... tes bêtises... (...) Tu nous fouteras la paix... tu retourneras à tes romans... si t'es sage t'auras un crayon... D'abord c'est des insanités... la race ça n'existe plus... c'est des mythes..."et Céline de conclure ces 6 pages d'"incisive" conversation par : "Gutman, il avait le dernier mot". A cet étrange contrepoids à la violence de la narration s'ajoute une nouvelle évocation de leur passion commune : la danse avec un autre ballet de l'auteur : "Van Bagaden", dont le texte clôt le livre.Voie de la réconciliation (impossible?) de Céline avec le monde, c'est à travers la danse qu'il formule le terrible constat d'échec du Voyage: "On n'a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà." Mais c'est aussi la danse qui assure la fonction salvatrice de l'écriture : "Le texte [doit] être danse, se tenir toujours au bord de la mort, mais ne pas tomber dedans" (note à un de ses traducteurs, cf. H. Godard, p. 226).Infimes éraflures marginales sans aucune gravité sur les plats, légères piqûres en pied du deuxième plat.Rare et précieux envoi autographe signé de Louis-Ferdinand Céline à une danseuse qui demeurera une amie jusqu'à la fin malgré les avanies de Céline.(références bibliographiques: Henri Godard, Céline, Gallimard, 2011; Jacques Lecarme. Images de la S.D.N ches Céline et chez Cohen In Albert Cohen dans son siècle: actes du colloque international de Cerisy-la Salle).
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