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Maurice BLANCHOT Tapuscrit inédit de deux versions courtes de Thomas l'Obscur précédant l'édition de 1950, dite version Chapelain.

Maurice BLANCHOT

Tapuscrit inédit de deux versions courtes de Thomas l'Obscur précédant l'édition de 1950, dite version Chapelain.

(1941), 21x29,5cm, 212 feuillets.


Exceptionnel ensemble de deux versions courtes inédites de Thomas l'Obscur composées entre 1941 et 1948.
Ce document unique est constitué d'un ronéotype de 12 pages, de trois pages manuscrites et de 200 pages tapuscrites provenant des épreuves de Thomas l'Obscur de 1941 (avec encore quelques corrections manuscrites d'époque répercutées dans cette première publication) récupérées par Blanchot et abondamment remaniées et corrigées à la main.
Il se divise en deux sections indépendantes  :

La première partie est un ensemble complet de 12 pages ronéotypées, s'ouvrant sur la première ligne du roman et s'achevant sur le nom de l'auteur, destiné sans doute à être publié tel quel. Plus qu'un extrait, ces douze pages assemblent plusieurs épisodes du roman en un court récit cohérent et s'achèvent en véritable apothéose christique : « Il allait d'un pas égal et lourd, il allait du même pas qui, pour les hommes qui ne sont pas enveloppés d'un suaire et qui ont des yeux et des mains, marque l'ascension vers le point le plus gracieux de la vie. ». Ainsi ce texte se révèle-t-il être sans doute une première version courte de Thomas l'obscur, réduit à une « nouvelle » de taille équivalente à ses deux premières nouvelles composées quelques années auparavant, L'Idylle et Le Dernier Mot.

La seconde partie est une réunion de 200 pages appartenant au tapuscrit de 1941 avec la page de titre originale enrichie d'une mention manuscrite à la plume de Maurice Blanchot : “ 5 rue Jules Chapelain 5 / Paris VIe” (On connaît deux lettres datées avril et mai 1940 envoyées par Blanchot de cette adresse). Sous le titre, d'une autre main est écrit au crayon : “15 chapitres / 590,000 lettres”. On trouve également régulièrement par endroits des croix au crayon gris, bleu ou rouge, des indications de mise en page, et autres éléments typiques des épreuves destinées à l'imprimeur. Ce tapuscrit très lacunaire est constitué de larges passages de Thomas l'Obscur, certains presque vierges de corrections, d'autres abondamment retravaillés, comportant des phrases ou des paragraphes entiers rayés et de nombreux ajouts manuscrits dont la fin très corrigée sur le tapuscrit et entièrement réécrite à deux reprises sur deux feuillets autographes, soit trois versions substantiellement différentes de la même fin. Les coupes et réécritures de cette tentative ne recoupent que partiellement les choix effectués par Maurice Blanchot pour sa version de 1950.
De ce double travail de réduction, il résulte donc une nouvelle version complète sous forme de « nouvelle » de 12 pages qui reste à ce jour inédite et inconnue de tous les bibliographes, et une première tentative de version plus longue dont le travail, resté inachevé, sera en partie repris quelques années plus tard et se conclura sur la publication, en 1950, d'un nouveau Thomas l'Obscur réduit aux trois quarts.
 « On ne sait presque rien des raisons qui ont conduit Maurice Blanchot à cette réécriture. Dans une lettre de 1950 il fait part à son ami Georges Bataille du projet qui l'occupe, et qui lui permettra, dit-il de regarder son roman “par l'autre bout du télescope” afin de révéler ce qui en constitue le cœur. En dehors de cela, nulle référence à ce projet qui coïncide toutefois avec un tournant majeur dans le travail narratif de son auteur » (Michael Holland). A partir de 1948, Blanchot délaisse en effet le roman « interminable à ses yeux » et s'engage, à travers des récits courts et de plus en plus raréfiés dans un projet d'écriture aporétique en quête de ses limites. Pourtant, malgré cette transformation radicale initiée par Le Très haut, Blanchot ne renonce pas à ses premiers écrits. La publication du nouveau Thomas l'obscur sera suivie de celle de ses deux premières nouvelles : L'Idylle et Le dernier mot, composées dans les années 30 simultanément avec la première version inédite de son roman : Thomas le Solitaire.
Les tapuscrits et manuscrits que nous présentons ici témoignent tant de la précocité de cette recherche d'une écriture émondée des contingences narratives que de l'importance qu'accorde Blanchot à son premier écrit sur lequel il revient sans cesse. Les archives de sa sœur Marguerite Blanchot, ont en effet permis de révéler l'existence de plusieurs étapes d'écriture et de réécriture du même roman :
- Une première version, inédite et bien plus dense que le roman publié en 1941, intitulée Thomas le solitaire est aujourd'hui conservée à la bibliothèque de Harvard.
- Un second manuscrit/tapuscrit de ce roman inédit fortement modifié et amputé, constitue la première tentative de réécriture vers ce qui deviendra bientôt Thomas l'Obscur. Cette version intermédiaire « en élaboration » qui diverge autant du roman primitif de 1930 que de celui publié en 1941 met en évidence la structure interne du récit voulu par Blanchot et constitue sans doute une clé d'interprétation de l'écriture blanchotienne. (cf. la fiche descriptive : Manuscrit et tapuscrit complet inédit constituant l'élaboration de Thomas l'Obscur à partir du tapuscrit de Thomas le Solitaire, en vente à la Librairie Le Feu Follet)
- Enfin, à travers ce tapuscrit, apparaissent deux nouvelles versions qui constituent la troisième et quatrième étape d'écriture de son Thomas après la publication du roman de 1941 et avant celle qui mènera à la version de 1950.

La forme lacunaire de notre document pourrait s'expliquer par la perte accidentelle de pages du tapuscrit original. Cependant, parmi tous les documents de son frère conservés par Marguerite Blanchot, le seul ensemble partiellement amputé est une infime partie de la correspondance, intentionnellement découpée par les destinataires pour des raisons privées. Pour le reste, Marguerite Blanchot et ses descendants ont, semble-t-il, parfaitement conservé les documents de l'écrivain dans leur état d'origine.
Aussi est-il fortement probable que l'amputation du tapuscrit soit contemporaine du travail de réécriture et qu'elle soit un acte délibéré de Maurice Blanchot. Une étude approfondie des parties conservées en relation avec le texte original et la version de 1951 permettrait sans doute de résoudre cette question et apporterait de précieuses informations sur le processus d'écriture et de réécriture de Maurice Blanchot.

Avec le manuscrit de Thomas le solitaire et la version intermédiaire de Thomas l'obscur, ce document exceptionnel est l'ultime trace du travail considérable accompli par Maurice Blanchot sur ce premier roman fondateur qui, au fil des années, se substitue à lui-même et, à l'instar du personnage principal, révèle son essence en s'effaçant. Ici, Blanchot pousse parfois l'exercice d'amenuisement aux limites de l'absence, pour tenter d'atteindre ce qui sera désormais sa principale ambition d'écrivain : « le désœuvrement ».

Un document inédit emblématique du travail de « dissolution créatrice » entrepris par Blanchot, illustrant parfaitement la notice qui jusqu'à sa mort fit office de biographie : « Maurice Blanchot, romancier et critique. Sa vie est entièrement vouée à la littérature et au silence qui lui est propre ».
 

VENDU

Réf : 50162

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