(Jean-Paul SARTRE) Maurice BLANCHOT
Le roman de Jean-Paul Sartre. Manuscrit autographe et tapuscrit complets.
S.n. [Paysage dimanche], s.l. (Paris) s.d. (1945), 11,5x22cm & 2 pages in-4, 3 pages 1/2 in-4.
Manuscrit autographe de l'auteur de 3 pages et demie in-8 publié dans le numéro du 21 octobre 1945 (n° 19) de
Paysage dimanche.
Manuscrit recto-verso complet, à l'écriture très dense, comportant de nombreux ratures, corrections et ajouts.
Chronique littéraire parue à l'occasion de la publication des deux premiers volumes de la trilogie
Les chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre : « L'Age de raison » et « Le Sursis ».
On joint le tapuscrit complet, comportant une biffure et une correction autographes de l'auteur.
Quand paraît à l'automne 1945 cette chronique, Maurice Blanchot et Jean-Paul Sartre ont déjà témoigné de l'intérêt mutuel porté à leurs travaux respectifs, dans des articles tantôt critiques, tantôt élogieux, toujours attentifs. De même, si
Les chemins de la liberté suscite l'admiration de Blanchot, c'est essentiellement par l'usage que le philosophe a su faire de l'influence de deux monuments de la littérature anglo-saxonne, Virginia Woolf et John Dos Passos :
« Ce qui nous paraît frappant, c'est le caractère d'œuvre d'art qu'en reçoit le livre, œuvre extrêmement composée, calculée avec un souci infiniment sûr des effets, où la confusion reste claire, où le désordre est perfection, et telle qu'on y reconnaît sans cesse la présence de l'écrivain le plus lucide, capable de tout obtenir du langage dont il est maître. » Mais ce « Roman de Sartre » est avant tout l'occasion pour Blanchot de soulever la question des liens de la littérature et de la politique, sur laquelle les deux hommes auront bien du mal à s'entendre au cours des décennies suivantes. Ainsi, Blanchot résume la vision de Sartre, évoquant le problème de l'engagement :
« Il est indéniable que l'art de Sartre atteint son plus grand pouvoir lorsqu'il décrit l'engloutissement des consciences par les choses qui les hantent et les débordent, et de laquelle elles coulent comme une pâte pleine d'odeurs. Le monde qu'il sent est celui d'une métamorphose, mais cette métamorphose n'est pas changement de forme, elle n'est pas la transformation d'un être en un autre être, fût-ce d'un homme en une vermine ; elle va plus loin, elle est irrémédiable, car c'est la conscience même qui devient un matériel, c'est la pensée qui se fige en une substance gluante, visqueuse, sans contour, sans apparence, un dedans triste et vague, que nous ne pouvons saisir et qui, pourtant, comme tel, continue désespérément à penser. Tel est l'univers dans lequel nous sommes jetés, tant que nous n'essayons pas de le reprendre par une action qui nous engage. » Le troisième volume des
Chemins de la liberté, non encore paru, laisse, aux yeux de Blanchot, peu de doutes quant à son contenu ; et de résumer, un brin sarcastique :
« Ce qui suivra est facile à imaginer : nous aurons la guerre, l'occupation, nous aurons la résistance, l'obscur combat, la première victoire ; et nous risquons d'avoir l'aventure de personnages assez veules et désaxés qui cherchent la liberté […] et finiront par la vivre en s'engageant pleinement dans une action collective qu'ils acceptent. » Le manuscrit comporte d'importantes variantes avec le texte tapuscrit, qui témoignent du souci de Blanchot d'utiliser à bon escient les concepts sartriens, pour mieux revenir à ce qui le préoccupe : l'usage du langage dans la vocation révolutionnaire de la littérature.
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