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Autographe, Edition Originale

Marcel PROUST Du côté de chez Swann

Marcel PROUST

Du côté de chez Swann

Grasset, Paris 1913, 12x19cm, broché sous étui.


Edition originale comportant toutes les caractéristiques de première émission (premier plat à la date de 1913, faute à Grasset, catalogue de l'éditeur in-fine), un des exemplaires du service de presse (poinçon aux initiales de l'éditeur en tête du deuxième plat).

Important et précieux envoi autographe signé de l'auteur à Lucien Descaves : " à monsieur Lucien Descaves. / Hommage de l'auteur. / Marcel Proust".

Notre exemplaire est présenté sous chemise et étui recouverts de papier à motifs décoratifs et bordés de percaline ocre, ensemble caractéristique des exemplaires provenant de la bibliothèque de Lucien Descaves.Les envois autographes sur "Du côté de chez Swann" sont d'une insigne rareté. Celui-ci témoigne d'une première approche du "jeune" auteur vers la prestigieuse Académie Goncourt dont Lucien Descaves est un des membres fondateurs. S'il est toujours fait mention, à propos de Proust et du Goncourt, des houleuses délibérations de 1919, on omet généralement que, sous l'impulsion de Grasset (Cf lettres à M. Barres et R. de Flers, T. XII, lettre 127 et 155), Proust manifeste, dès 1913, l'ardent désir d'être soumis au jugement des Dix et accomplit de multiples démarche en ce sens :
"Mon éditeur [m'a] fait envoyer mon livre (…) au Jury Goncourt. Il n'est pas officiellement trop tard, on reçoit encore les livres, mais je crois que le prix est à peu près donné. Il reste cependant que si, sans l'avoir, je pouvais obtenir que quelqu'un s'en fit l'avocat, qu'on le discute, cela ferait devant mon livre une certaine lumière et qu'on le lirait, qui est tout ce que je peux désirer. (...) Je crains beaucoup que personne ne me lise, car c'est si long, compact. Or peut-être (...) avez vous des amis dans cette Académie Goncourt. Il y en a deux auprès de qui ce serait inutile. Rosny aîné, parce que madame Tinayre que je ne connais pas, mais qui a parait-il une prédilection pour ce que j'écris, a recommandé le livre (sans l'avoir lu du reste à Rosny aîné). Et Léon Daudet qui ne sera sans doute pas pour moi, mais avec lequel je suis trop lié pour pouvoir sans ridicule me recommander à lui. Enfin Louis de Robert (tout cela spontanément, car la lettre que je vous écris est ma première démarche) a écrit à Paul Margueritte. Mais je crois que cela ne fera pas grand' chose. Peut-être connaissez-vous les autres. Il y a, je crois, Geffroy, Rosny jeune, Elémir Bourges, Descaves (mais qui ne revient peut-être pas pour cela) Mirbeau (...). D'ailleurs tout cela est peut être vain. Je vous le dis à tout hasard." (Lettre du 8 novembre - date de l'achevé d'imprimer - à Mme de Pierrebourg, XII, 140).

Mme de Pierrebourg ne connait personne et les démarches de Louis de Robert se heurtent à un obstacle, l'aisance financière de Proust : "Pour le prix, il y a quelque chose de comique qu'au moment où je suis (...) en grande partie ruiné (...) ma fortune soit un obstacle !" (lettre à Louis de Robert, XII, 164). De son côté, Léon Daudet – qu'il a en fait sollicité – lui oppose son âge : "Quant au Goncourt (…) je parlerai sûrement à mes amis de votre livre. Mais… Mais la majorité ne veut pas voter pour un auteur ayant plus de 35 ans (souligné) (…). Je ne suis heureusement pas de cet avis."(XII, 144). Résigné, Proust espère cependant toujours être commenté par les Académiciens: "Il me semble impossible que j'aie le prix (…). En tout cas si mon livre est discuté par le jury Goncourt, cela compensera un peu l'éloignement où j'ai vécu pendant tant d'années de la vie littéraire et qui fait qu'à mon âge je suis plus inconnu que tant de débutants. Peut-être en voyant mon livre discuté par ce jury, certaines personnes auront-elles l'idée de le lire, et qui sait si parmi elles ne se trouvera pas quelque ami de ma pensée qui sans cela ne l'aurait jamais connue." (XII, 170)Mais nul membre n'évoque Swann aux délibérations si ce n'est Rosny Aisné qui seul, d'après Proust, lui "donna une voix" (XVIII, 221)Lorsqu'en 1919, "A l'ombre des jeunes filles en fleurs" obtient le Prix malgré les mêmes obstacles de la fortune et de l'âge de Proust, Lucien Descaves conteste cette attribution, lui préférant "Les Croix de bois" de Dorgelès.
Dans une lettre à l'abbé Mugnier, Proust évoque cette animosité: "je regrette que vous ayez appris [l'attribution du Goncourt] par Monsieur Descaves car il a du accompagner cette bien petite nouvelle de commentaires désobligeants. Il a fait en effet campagne contre moi et annoncé le résultat dans ces termes: M. Proust a le prix, M. Dorgelès l'originalité du talent et la jeunesse. On ne peut pas tout avoir." Il ajoute : "Ne croyez pas que j'aie la moindre amertume contre Monsieur Descaves. Ceux qui n'aiment pas mes livres ont la même opinion que moi." (XVIII, 333)On note que "l'ours", comme se surnommait lui-même Lucien Descaves, avait malgré tout pris grand soin de son exemplaire de ce roman fondateur de la littérature moderne.Dans son étude sur Proust et le Goncourt, Luc Fraysse souligne que "L'attribution du Prix Goncourt à Proust en 1919, pour "A l'ombre des jeunes filles en fleurs", constitue un événement littéraire majeur dans l'histoire du XXe siècle. (…) Sommet inégalé dans la vie de l'Académie Goncourt (…) [et] tournant décisif et définitif dans l'évolution littéraire [de Proust] (…) [qui] passe sans transition d'une relative obscurité à la gloire mondiale. C'est le prix Goncourt qui a fait apercevoir à un grand nombre l'ampleur et l'importance de l'œuvre de Proust."Trois minuscules déchirures marginales avec infimes manques en pied du dos et en tête du premier plat.

Précieux exemplaire enrichi d'un envoi autographe littéraire à un important membre du Jury Goncourt.

(Références bibliographiques: Luc Fraysse "L'attribution du prix Goncourt à Proust en 1919" In " Prix Goncourt, 1903-2003: Essais Critiques"; Correspondance de Marcel Proust Tomes XII et XVIII) 

VENDU

Réf : 41212

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