Maurice UTRILLO
Francis CARCO
Montmartre vécu par Utrillo
Editions Pétridès, Paris 1947, 28x38cm, relié.
Édition originale, un des 240 exemplaires numérotés sur vélin d'Arches, illustrée de 22 lithographies en couleurs exécutées d'après des gouaches, dont 12 hors-texte, de Maurice Utrillo, tirées par les ateliers de Fernand Mourlot et Lucien Détruit.
Reliure doublée à tiges en plein veau aniline blanc, décor peint en nuance de vert opaline et de gris se prolongeant sur les doublures bords à bords, tiges de titane et gardes volantes de papier assorties. Titrage au film gris et vert opaline en long sur le dos. Chemise rigide décorée, titrée sur le dos, étui. Reliure signée de Julie Auzillon, titrages de Geneviève Quarré de Boiry et tranche de tête dorée au palladium par Jean-Luc Bongrain. (2022) Couvertures et dos conservés.
Cet ouvrage, présentant toutes les époques de l'artiste montmartrois, fut publié à l'occasion de l'exposition consacrée aux œuvres de Maurice Utrillo organisée en 1947 à la galerie de Paul Pétridès.
Monté sur onglet en tête de l'ouvrage, un sonnet autographe intitulé "L'Art pictural" signé de Maurice Utrillo adressé à Francisque Poulbot ; deux quatrains et deux tercets rédigés à l'encre noire sur un papier pelure ligné. Précédant ce poème, le peintre a précisé : "Sonnet par Maurice, Utrillo, V, < dédié à son ami et confrère < Georges Kars." En tête du feuillet, se trouve un envoi autographe signé d'Utrillo : "Amicalement à Francisque Poulbot".
Quelques taches marginales ne gênant pas la lecture. Le sonnet a été publié dans ART, vol. 2 (octobre 1934-juillet 1935, p. 9).
Ce beau poème, véritable chant d'indépendance picturale doublement signé par Utrillo, est adressé à une figure incontournable de la vie montmartroise, le dessinateur Francisque Poulbot. L'exceptionnelle offrande manuscrite réunit des monuments vivants de la Butte, marqués par la bohème et l'ivresse : Utrillo, Poulbot, ainsi que Georges Kars, artiste tchèque installé à Montmartre dont Utrillo célèbre la peinture à travers ce sonnet.Utrillo adresse ces vers en 1928 à Francisque Poulbot, ancien camarade du lycée Rollin devenu dessinateur renommé, goguettier et fondateur de la République de Montmartre. Poulbot croqua le peintre à de nombreuses reprises dans ses chères rues montmartroises, pinceau dans une main et bouteille dans l'autre, la silhouette du Sacré-Cœur veillant sur cette âme damnée à l'ascendance incertaine. Ils séjournèrent tous deux à différentes périodes au 12 rue Cortot, mythique adresse de la Butte, devenue musée de Montmartre. L'année de l'envoi de ce sonnet, Utrillo peint une superbe gouache représentant la maison de Poulbot avenue Junot, en plein cœur de ce « bidonville de la Bohème » dont les œuvres d'Utrillo capturent le charme aujourd'hui disparu.
Connu pour sa peinture, Utrillo trouve cependant dans la poésie une forme de rédemption à ses épisodes de folie éthylique. Considéré par ses amis comme un « bâtisseur de sonnets ou de quatrains dithyrambiques », ses vers feront l'objet d'un article élogieux de Félix Fénéon. Utrillo fait également appel à la poésie pour célébrer ses voisins artistes montmartrois. Il écrit ce poème en l'honneur du peintre tchèque Georges Kars, en remerciement d'un saisissant portrait de lui exposé à la galerie Berthe Weill :
«
[…] Qu'il me soit donc ici permis en compagnon
Sincère et noble et pur, en non troubleur en rond,
Sur cet Art pictural, d'émettre un trait austère,
Georges Kars, en ce lieu de digne réunion,
Rue Laffitte, chez Weill, de l'art porte-fanion,
S'affirme en ses tableaux inventif et sincère... »
Kars s'était établi à Montmartre en 1908 et passa de nombreux étés à Cadaquès avec sa femme en compagnie d'Utrillo et de sa mère, Suzanne Valadon. A travers ces vers dédiés aux lignes pures de «
son ami et confrère » Kars, Utrillo célèbre l'indépendance et la personnalité picturale émancipée de tout mouvement artistique, qui le caractérisent lui-même : peintre autodidacte, il s'affranchit ici de l'académisme et même des avant-gardes d'autrefois, désormais copiées et remaniés à outrance. Il cite tour à tour la révolution impressionniste incarnée par l'atelier Cormon que fréquenta Van Gogh, mais également Camille Corot, ainsi que le cubisme et le futurisme, devenus «
de bon ton » en cette fin des années vingt :
«
Lors ! en France, il est dit que tout peintre en renom
Digne des traditions, ou Corot ou Cormon,
Ou de tout autre esprit quelque peu réfractaire,
CUBISTE OU FUTURISTE IL S'IMPOSE ET S'AVERE...
AUX GENS DE PUR SNOBISME et adulant son nom,
Par de vains procédés il fausse le bon ton,
S'inspirant et des goûts et du Tendre et Sévère
Et tous fats pré[ju]gés chers aux sots, sur la terre […] »
Ce monumental ouvrage rétrospectif du "peintre de Montmartre" enrichi de ses vers manuscrits et accompagné des textes de Francis Carco, concentre l'âme artistique de la Butte - il forme une ode à ce quartier perché au sommet de Paris qui vit naître tant de créations littéraires et picturales intemporelles. L'exemplaire est établi dans une somptueuse reliure d'art signée par l'une des figures montantes de la reliure contemporaine française.
15 000 €
Réf : 74125
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