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Albert CAMUS & COLLECTIF Révolte dans les Asturies

Albert CAMUS & COLLECTIF

Révolte dans les Asturies

Pour les amis du théâtre du travail, Alger 1936, 14x19,5cm, broché.


Très rare édition originale de cette pièce en quatre actes, première œuvre de Camus publiée collectivement avec sa troupe du Théâtre du Travail, Jeanne-Paule Sicard, Bourgeois et Poignant.
Bel exemplaire de cette œuvre d'apparence modeste et pourtant fondatrice de toute l'œuvre de Camus.
Notre exemplaire est présenté dans une chemise en demi maroquin maroquin noir, dos lisse, plats de papier, étui du même papier bordé de maroquin noir, ensemble signé de T. Boichot.
Bien plus qu'une simple collaboration de jeunesse, Révolte dans les Asturies est la véritable première œuvre d'Albert Camus, écrivain humaniste, dramaturge engagé, philosophe de l'absurde, révolté politique et solidaire. En effet, aucune première tentative littéraire ne porte comme cette Révolte, toute la puissance poétique et politique d'un écrivain appelé à marquer son siècle par ses écrits et son acuité intellectuelle.
Presqu'entièrement composée par Camus (seuls les textes de radio, l'interrogatoire de l'acte IV et la scène du conseil des ministres ne sont pas de sa main), cette œuvre dite collective, l'est surtout par le désir de solidarité et de communauté humaine du jeune Camus qui, dès l'avant-propos, minimise son évidente paternité de l'œuvre : « Essai de création collective, disons-nous. C'est vrai. Sa seule valeur vient de là. ».
Cette passion pour la réalisation en commun, que Camus découvre dans le football et qu'il tente de retrouver dans le théâtre, constitue un fondement de la pensée de l'auteur de La Peste et du Premier homme. Révolte dans les Asturies, cet « essai de création collective » éditée par « E.C. pour les amis du théâtre du travail » porte, sur sa couverture même, l'idéal camusien d'une société unie, non individualiste et pourtant combative et solidaire. Et, lorsque Fréminville s'étonnera de ce coquet mais transparent anonymat d'une œuvre dont « il suffit de lire dix lignes pour reconnaitre [le] style [de Camus] » celui-ci rétorquera : « Il serait peut-être temps de revenir à la supériorité de l'œuvre sur l'artisan ».
Aucun nom ne parait donc sur l'œuvre imprimée, même l'éditeur se résume à deux initiales que certains se plaisent à traduire par « Éditions Camus ». En réalité, derrière E.C. se cache un jeune homme de 21 ans encore inconnu, Edmond Charlot, ami de lycée d'Albert. Comme Camus, il doit à Jean Grenier sa vocation et comme Camus, il débute avec cette œuvre anonyme sa carrière d'éditeur. Sans local ni argent, il réussit à faire tirer par un imprimeur bienveillant, Emmanuel Andréo, 500 fragiles opuscules, écoulés en deux semaines mais dont très peu d'exemplaires résisteront aux violents bouleversements du siècle.
Cette première collaboration marquera le début d'une des plus fidèles amitiés éditoriales entre Camus et son éditeur algérien qui publiera quelques mois plus tard, la première œuvre personnelle de son ami, L'Envers et l'Endroit, puis deviendra, par la suite, l'indispensable relais méditerranéen de l'écrivain exilé loin de sa terre natale.
Cette rencontre capitale aurait pu ne pas avoir lieu. Révolte dans les Asturies, initialement conçue comme un « canevas [sur lequel] les acteurs seraient invités à broder [...] à la manière de la commedia dell'Arte » (Albert Camus par Olivier Todd) n'avait pas vocation à être imprimée, comme le précise Camus dans son avant-propos, « Le théâtre ne s'écrit pas ou alors c'est un pis-aller. ». La publication, décidée à la suite de l'interdiction de représentation par les autorités algéroises d'extrême-droite est donc un geste politique fort qui fait suite et écho au thème de la pièce. Inspiré de la violente répression espagnole contre des mineurs l'année précédente qui fit près de 2000 victimes, le sujet choisi par Camus témoigne en effet de son très précoce engagement actif pour la liberté. Il fera preuve du même courage dans ses écrits de résistance de Combats et Lettre à un ami allemand, autant que dans ses prises de positions solidaires contre la peine de mort, ou solitaires pour une utopique alliance franco-arabe dans une Algérie déchirée. C'est d'ailleurs « au profit de l'enfance malheureuse européenne et indigène » que doit se jouer ce premier spectacle à l'heure où aucun des futurs intellectuels militants pour l'indépendance algérienne ne se préoccupent encore de la grande injustice raciale du département français d'Algérie.
Bien que jamais revendiquée par Camus comme sa véritable première œuvre, cette pièce anonyme est traversée par la lumineuse personnalité de son jeune auteur. Mais si cette Révolte trouve une place légitime en première ligne de l'œuvre camusienne, c'est sans doute à travers l'avant-propos qu'il rédige dans l'urgence à l'annonce de l'interdiction de représentation. « Ne pouvant être jouée, elle sera lue du moins » écrit Camus, invitant le lecteur à « traduire en formes, en mouvements, et en lumières ce qui est ici suggéré » puis « à remettre à sa vraie place cet essai ». Ainsi présente-t-il cette première tentative littéraire sous la triple égide du théâtre, du récit et de l'essai, les trois modèles d'écriture qui définiront son œuvre à venir.
Plus encore, cette introduction sous forme de manifeste semble annoncer les trois grands thèmes programmatiques qui guideront le travail de l'écrivain humaniste, le cycle de l'Absurde, de la Révolte et celui, inachevé, de l'Amour : « [cet essai] introduit l'action dans un cadre qui ne lui convient guère : le théâtre. Il suffit d'ailleurs que cette action conduise à la mort, comme c'est le cas ici, pour qu'elle touche à une certaine forme de grandeur qui est particulière aux hommes : l'absurdité. Et c'est pourquoi, s'il nous fallait choisir un autre titre, nous prendrions La Neige. [...] Il y a deux ans, elle s'étendit sur ceux de nos camarades qui furent tués par les balles de la Légion. L'histoire n'a pas gardé leurs noms. »
Exceptionnel exemplaire de la première oeuvre de Camus, d'une insigne rareté.

VENDU

Réf : 71217

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