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Autographe, Edition Originale

Maurice BLANCHOT (Nicolas-Edme RESTIF DE LA BRETONNE) (Donatien Alphonse François, Marquis de SADE) Sade et Restif de la Bretonne. Tapuscrit avec de nombreux ajouts autographes [Ensemble] Un livre vivant. Manuscrit préparatoire [ensemble] Les plaisirs et les jours, tapuscrit final.

Maurice BLANCHOT (Nicolas-Edme RESTIF DE LA BRETONNE) (Donatien Alphonse François, Marquis de SADE)

Sade et Restif de la Bretonne. Tapuscrit avec de nombreux ajouts autographes [Ensemble] Un livre vivant. Manuscrit préparatoire [ensemble] Les plaisirs et les jours, tapuscrit final.

S.n., s.l. 1948, 50 feuillets (21x27cm); 3 feuillets in-8 (12x22cm), un feuillet 13,5x10,5cm; 17 feuillets in-4 (21x27cm).


Tapuscrit original de 50 feuillets, constituant l’ensemble des écrits de Blanchot sur Restif de la Bretonne parus successivement dans Critique n°22 de mars 1948, sous le titre : « Un livre vivant », dans Les Cahiers de la Pléiade n°4 de juin 1948, sous le titre : « Les plaisirs de la vertu », puis enfin en préface de « Sara » de Restif de la Bretonne, chez Stock en 1949. A cette important ensemble, sont joints quatre feuillets manuscrits recto verso de premier jet et de notes  ainsi que le tapuscrit final des « Plaisirs de la vertu » annoté par l’éditeur. Le premier feuillet comporte une déchirure importante en tête avec manque affectant la majorité du titre. Les autres feuillets comportent parfois de petites déchirures marginales sans gravité.
L’article fut repris ultérieurement, en 1986, dans un essai intitulé Sade et Restif de la Bretonne, publié à la collection « Le regard littéraire » des éditions bruxelloises Complexes.
Tapuscrits et manuscrits présentant de nombreuses ratures, corrections et soulignements à l'encre.

En 1948, connaissant une période d’intense activité littéraire avec la finalisation de la deuxième version de Thomas l’obscur,  Blanchot éprouve, face à l’écriture critique, un profond désenchantement « au point d’en éprouver l’inutilité. » (Bident)
Ce sentiment de vanité nourrit toutefois une écriture féconde. Blanchot ne se soustrait aucunement aux âpres efforts de la recherche comme en témoigne cet important document dévoilant l’élaboration de sa réflexion sur Sade et Restif de la Bretonne.

Cet étonnant tapuscrit, comportant plusieurs étapes d’écritures et de composition, est un exemple unique du cheminement intellectuel de Maurice Blanchot dans la composition de cette réflexion fondamentale. 
Une étude comparative des différentes versions et articles publiés fait en effet appraitre que le document que nous présentons est antérieur à toutes les publications mais qu’il porte cependant les traces et tous les éléments de chacune.
De fait, si la structure initiale semble être celle de la préface de Sara, les ajouts, transformations, réimpressions de certains feuillets et renumérotation de pages correspondent en partie à l’élaboration des deux articles plus courts parus pourtant antérieurement et composés d’extraits de cette préface.

D’une grande complexité structurelle, le tapuscrit révèle, par ses repentirs, corrections syntaxiques, insertions, reprises et collages, la progression de la pensée et la chronologie de l’écriture. La nature disparate des papiers qui composent cet ensemble rendent manifestes ces ruptures dans la rédaction.
Les cinq premiers feuillets du corpus, dont le titre partiellement manquant [Un…] renvoie au premier article « Un livre vivant », se concluent sur ce qui semble un abandon de l’écriture au milieu d’une phrase et d’une ligne au deux tiers du feuillet. On retrouve ce texte modifié à partir de la page 20 et cette fois poursuivi jusqu’à son terme : la conclusion de la préface de Sara.
Cette première version inachevée qui débute comme le court manuscrit accompagnant notre ensemble servira d'introduction à l'article des Cahiers de la Pléiade.
Blanchot recommence ensuite son article, en reprenant une nouvelle numérotation, avec ce qui sera le début à la fois de la préface et des Plaisirs de la vertu.
A l’instar de son travail romanesque, Blanchot propose ici une version « longue » dans laquelle sont insérés des feuillets présentant un texte tronqué et partiellement modifié pour la composition des deux articles intermédiaires. Les corrections manuscrites sur la version longue, reportées en tapuscrit sur la version courte, ne laissent aucun doute sur la chronologie du travail du critique. Ainsi, la conclusion des Plaisirs de la vertu qui occupe les feuillets 16 à 18, s’achève sur la signature tapuscrite de Blanchot, cependant qu’une seconde série de pages 16 à 18 introduit la suite de la réflexion. De même, à partir de la page 20, Blanchot réutilise, en les modifiant, les premières pages abandonnées pour élaborer sa conclusion.
L’ensemble très complexe de ces abondantes reprises et corrections révèle la densité et la maturation de cette écriture palimpseste.  Il convient également de noter que diverses corrections n’ont pas été reportées dans les versions imprimées. Il en est ainsi de nombreuses interventions manuscrites et développements de notes qui enrichissent considérablement la connaissance du travail de l’auteur et de ses recherches personnelles : « M. Bachelin en veut beaucoup à Remy de Gourmont qui attribue à Restif (avec [une certaine] (rayé) peu d’imprécision) 2 à 300 volumes. Monselet a compté 203 volumes, […] M. Bachelin lui-même a trouvé 61.000 pages, soit 190 volumes, comprenant des répétitions. Mais il ne faut pas négliger les répétitions : quoi de plus important ? ».
Intervention très personnelle d'un auteur qui a tant de fois réutilisé ces propres articles dans ses essais critiques et qui est justement en train de réécrire son premier roman.

On constate par ailleurs que le manuscrit qui nous est parvenu n’est composé que des premières lignes de l’introduction initiale (celle utilisée dans Un livre vivant), puis n'est plus composé que de notes éparses sans réelle continuité.
Jusqu’à présent, d'après les documents que nous avons pu consulter, les tapuscrits consistaient généralement en une retranscription des manuscrits avec peu de variantes et de corrections.
A l'opposé, le caractère minimaliste autant qu'aporétique de ce manuscrit et l'abondance des corrections et reprises du tapuscrit semble indiquer que, cette fois au moins, le tapuscrit constitue le document de travail original à partir duquel se développe la réflexion de l'auteur.

Outre l’approche structurelle de l’écriture que permet ce travail tapuscrit, le fond du récit, d’un intérêt notable, se distingue par l’omniprésence des thèmes centraux de la vie et de l’œuvre de Blanchot. L’exceptionnelle longueur du texte tout autant que ce difficile travail d’élaboration témoignent d’un remarquable investissement intellectuel, indice de l’importance toute particulière que l’auteur accordait à l’œuvre de Restif confrontée à celle de Sade.
A l’instar de la critique de Sade ("Quelques remarques sur Sade") composée quelques années auparavant, Blanchot dresse un portrait à la fois psychologique, social et littéraire de Restif de la Bretonne, ne manquant pas de confronter  l’esprit de deux écrivains qui lui sont chers : « Il est bien connu que l’inceste a toujours semblé à Restif une passion [particulièrement / très] aimable. Dans l’Anti-Justine, il y voit le meilleur antidote contre les sombres perversions de Sade. » ; « Eloges assez plats, mais raisonnables : Restif n’est pas immoral, il fait, nous l’avons vu, de la morale un usage singulier, mais elle lui est nécessaire. Par rapport aux philosophes de la nature pour qui il n’y a ni vertu ni vice, il fait figure de rétrograde ; par rapport à Sade, il semble un abîme de vérité ».
Comme à son habitude, Blanchot cherche à retracer les filiations intellectuelles en établissant, parfois à rebours, une généalogie de la création littéraire. Un habile lien est ainsi noué entre Proust et Restif autour de la question du souvenir : « Restif fait du souvenir la faculté créatrice par excellence » ; « c’est que tout récit est déjà investi d’un souvenir […] » ; « Par ses Mementos, ses mémoires et ses récits, Restif cherche moins à éterniser les évènements qui déjà disparaissent qu’à transformer ceux qui viennent en moment déjà vécus » ; ou encore « Beaucoup de ses livres superposent les souvenirs ».
Cette perpétuelle réécriture de Blanchot trouve un écho surprenant dans l’analyse même de l’écriture de Restif : « Ses idées vont et viennent. Il les échafaude, elles s’écroulent, il en conçoit d’autres. Elles n’ont pas la logique d’un système, bien qu’il les ait exposées plusieurs fois sous une forme systématique » la suite semble moins personnelle : «  et [à chaque instant] (rayé) toujours menacées par le mouvement fantasque d’un esprit peu fait pour penser, elles manquent aussi bien du sérieux d’une conviction intellectuelle : que du sérieux de la passion. » Ce passage biffé à l’encre sur le tapuscrit, figurera finalement tel quel dans les versions imprimées.
Les reprises du récit mettent de fait en évidence les recompositions, emprunts et  reformulations de la pensée de Blanchot, qui semble elle aussi se structurer au fil de ses analyses, comme en témoigne le réemploi de l’introduction du précédent argument : « Ses idées vont et viennent. Il les échafaude, elles s’écroulent, il en conçoit d’autres. Sa conduite n’est aucunement éclairée par elles, et s’il moralise à propos de ses moindres actes, sa morale consiste à dire : voilà le moment où je me suis avili, voilà l’époque où j’étais encore honnête […] ».
Aussi, la grande attention et la force d’interprétation accordées aux anecdotes biographiques, concernant l’enfance, les liens familiaux, autant que l’éveil des passions et des pulsions créatrices semblent lever un certain voile sur la pudeur légendaire de Blanchot quant à sa propre expérience de l’autorité paternelle « S’il est vrai que les enfants ont naturellement pour leur père, une réserve de haine, cette antipathie, dans le cas de Restif, s’est trouvé déviée, et il a pu aimer le sien parfaitement en reportant sur ses frères trop aînés la partie mauvaise de ses sentiments familiaux. »
Autre préoccupation centrale chez Blanchot, la question de la morale et de sa réversibilité, déjà présente dans l’étude de Sade, se retrouve ici dans l’analyse psychologique de Restif de la Bretonne. Le critique accusant alors une profonde fascination pour les personnalités à la morale ambigüe et chancelante : « le jeu de cache-cache que Restif joue avec la morale pour son plus grand plaisir, se marque encore par ceci : à peine [a-t-il] (rayé) ayant commis le plus grand crime, et se sent-il à jamais dépravé, qu’il est régénéré et retrouve, avec la pureté, l’agréable perspective de pouvoir la perdre encore. »
C’est sans doute lorsqu’il cherche à percer à jour l’essence de l’acte créateur que Blanchot atteint l’apogée de sa verve littéraire, agrémentée des phrases percutantes résonnant comme un écho de sa propre condition : «  Il a ce dévergondage propre aux autodidactes pour qui apprendre est une libre aventure, et il y ajoute ce plaisir de se rendre estimable par le fait qu’il commet, de s’habituer à aimer ses erreurs et à respecter ses égarements et finalement de jouir de ses remords en combinant de la manière la plus bizarre vertu, plaisirs, crime et regrets ». Ou encore cette importante réflexion teintée de l’aveu de ses connivences intellectuelles « Comme il en revient toujours à lui-même et que le sujet de tous ses livres est sa vie, voyant cette vie immédiatement transformée en une solide étendue de caractères imprimés, il se croit naïvement un livre, et mieux qu’un livre de papier, une ferme table de métal, une solidité de fonte, un passé inaltérable inscrit dans le bois et dans la pierre.  L’illusion est étrange ? Mais sans elle, il n’aurait pu écrire. Et quel écrivain, hélas ! Ne s’est senti un jour devenir Restif sur ce point ? ». 

VENDU

Réf : 47148

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