Maurice BLANCHOT
De la louange à la souveraineté. Manuscrit autographe et tapuscrit complets
S.n. [Journal des débats], s.l. [Paris] s.d. (1943), 13,5x21cm & 6 pages in-4, 4 1/2 pages in-8.
Manuscrit autographe de l'auteur de 4 pages et demie in-8 publiée dans le numéro du 2 Juin 1943 du
Journal des Débats.
Manuscrit complet à l'écriture très dense, comportant de nombreuses ratures, corrections et ajouts.
Chronique littéraire publiée à l'occasion de la parution de
Servius et la fortune de Georges Dumézil. On joint le tapuscrit complet.
En consacrant son étude aux travaux de Dumézil sur Servius, Blanchot pose un jalon capital dans l'évolution de sa propre pensée, le passage d'une conviction politique à un engagement littéraire.
Cette réflexion sur la souveraineté conduit en effet l'ancien maurassien à réorienter son système de valeur, soumettant le pouvoir du prince à la bienveillance du peuple : «
La louange des hommes est une divinité sous le patronage de laquelle se place le souverain choisi par la voix publique ».
Partant de cette légitimation du souverain par la parole du poète et de son aliénation par la «
puissance du blâme », Blanchot évolue vers une puissance magique de la parole, d'abord à l'usage du souverain : «
son pouvoir royal (…) n'est réel que par la maîtrise qu'il a sur les mots » ; puis
« dépassant toute forme d'échange. [La poésie] est par excellence ce qui est donné, ce qui manifeste le don des dieux en assurant le crédit des hommes. »
La position de Maurice Blanchot est à présent parfaitement établie : il ne sacrifie pas la Politique pour les Lettres, il affirme la prédominance du littéraire sur le politique et désormais dévoue entièrement sa vie « à la littérature et au silence qui lui est propre ».
Entre avril 1941 et août 1944, Maurice Blanchot publia dans la "Chronique de la vie intellectuelle" du Journal des Débats 173 articles sur les livres récemment parus. Dans une demi-page de journal (soit environ sept pages in-8), le jeune auteur de "Thomas l'obscur" fait ses premiers pas dans le domaine de la critique littéraire et inaugure ainsi une oeuvre théorique qu'il développera plus tard dans ces nombreux essais, de "La Part du feu" à "L'Entretien infini" et "L'Écriture du désastre". Dès les premiers articles, Blanchot fait preuve d'une acuité d'analyse dépassant largement l'actualité littéraire qui en motive l'écriture. Oscillant entre classiques et modernes, écrivains de premier ordre et romanciers mineurs, il pose, dans ses chroniques, les fondements d'une pensée critique qui marquera la seconde partie du XXe. Transformé par l'écriture et par la guerre, Blanchot rompt, au fil d'une pensée exercée "au nom de l'autre", avec les violentes certitudes maurassiennes de sa jeunesse. Non sans paradoxe, il transforme alors la critique littéraire en acte philosophique de résistance intellectuelle à la barbarie au cœur même d'un journal "ouvertement maréchaliste": "Brûler un livre, en écrire, sont les deux actes entre lesquels la culture inscrit ses oscillations contraires" (Le Livre, In Journal des Débats, 20 janvier 1943). En 2007, les Cahiers de la NRF réunissent sous la direction de Christophe Bident toutes les chroniques littéraires non encore publiées en volumes avec cette pertinente analyse du travail critique de Blanchot : "romans, poèmes, essais donnent lieu à une réflexion singulière, toujours plus sûre de sa propre rhétorique, livrée davantage à l'écho de l'impossible ou aux sirènes de la disparition. (...) Non sans contradictions ni pas de côté, et dans la certitude fiévreuse d'une œuvre qui commence (...) ces articles révèlent la généalogie d'un critique qui a transformé l'occasion de la chronique en nécessité de la pensée." (C. Bident). Les manuscrits autographes de Maurice Blanchot sont d'une grande rareté.
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