Boris VIAN
Manuscrit autographe inédit d'un projet de sketch de Boris Vian intitulé "Deux heures de colles"
s.d. [circa 1950], 21x27cm , 8 pages sur 8 feuillets & 10 pages sur 10 feuillets.
Manuscrit autographe inédit et complet d'un projet de sketch de Boris Vian intitulé « Deux heures de colles ». Chaque liasse, contenant respectivement huit et dix feuillets, est retenue par une agrafe. La première, rédigée dans des encres de différentes couleurs et comportant de nombreuses ratures, ajouts et petits dessins marginaux, comprend deux feuillets d'idées pour l'ébauche du sketch, un feuillet relatant sa structure et cinq feuillets de texte et didascalies. La seconde, moins raturée et intégralement rédigée à l'encre verte, est une version définitive du texte reprenant la structure et les idées du premier jet sans pour autant les conserver dans leur intégralité.
Dans ces notes jamais publiées ni jouées, le sketch se déroule dans une salle de classe où différents professeurs se succèdent pour délivrer des leçons dans chacune de leurs matières. Les spectateurs sont supposés former une assemblée d'élèves turbulents et participer activement aux différentes activités imaginées par Vian. Les professeurs sans vergogne malmènent les élèves :
« vous êtes des khons, de lamentables ratés […] quelques interrogations auxquelles je vais procéder maintenant vont vous démontrer mieux qu'un long discours à quel point vous être abrutis. »Le texte, très humoristique et d'une grande modernité, n'est pas sans rappeler le genre des « talkshows » actuels et leurs cascades de gags et de jeux.
On trouve ainsi un grand nombre de matières fantaisistes vouées à structurer les différentes interventions :
« cours du supporter de match »,
« cours de digest »,
« cours d'optimisme bourgeois »,
« cours de liberté »,
« cours de diffamation »,
« cours d'exploitation de psychanalyse », etc.
On perçoit la nostalgie de Vian pour le passé et sa fascination pour le futur :
« Vous voyez 1900 avec 50 ans de recul, avec vos yeux de 1950, mais pour les gens de l'an 2000, 1950 sera aussi charmant que 1900 pour nous. Apprenez à voir votre époque avec les yeux de l'an 2000. » Transparaît également son amour des voitures à travers la mise en scène d'un
« type qui rentre par le fond de la scène dans un bruit effrayant, avec sa traction (une calandre ou un moteur sous le bras) … »Visionnaire, Vian ? Ce texte est en tout cas empreint d'une conscience écologique :
« Le professeur insiste sur le gâchis qui caractérise la société actuelle et l'intérêt, par conséquent, d'un cours de récupération des produits inutilisés. » Le génial inventeur envisage en tout cas de présenter une
« machine » de recyclage à ses spectateurs. Il dénonce également, sous couvert d'humour, la pénurie des logement parisiens et leur mauvais agencement :
« on ne trouvait pas d'appartement à cause des collectionneurs d'appartements […] Ce qui est difficile c'est de vivre dans les appartements qu'on vous propose ; mais quelques-uns de nos anciens élèves qui ont eu la chance de faire un stage dans un immeuble d'essai construit par Le Cornemusier vont vous faire une démonstration. […] façon de vivre en rampant en rampant dans les appartements extrêmement bas de plafond. » Il faut dire que Boris était un expert de l'ergonomie des espaces, en témoigne l'agencement de son petit appartement de la Cité Véron.
Point d'orgue du manuscrit, Vian livre un superbe passage sur la vieillesse :
« Enfin, le secret de la réussite : la vieillesse. Sketch : quelques jeunes, se disant « place aux jeunes » échouent car trop de vieux barrent la route. Ils kidnappent, pour se venger, quelques vieux. On met les vieux au régime le plus mauvais pour eux : beaucoup manger, beaucoup boire, beaucoup baiser, beaucoup danser. Finalement, ils séduisent les petites amies des jeunes et s'en vont avec elles. A la suite de quoi les jeunes décident de se vieillir artificiellement : s'opèrent mutuellement en s'arrachant les cheveux, en se teignant, se ridant, etc… Devenus vieux, ils trouvent tout, leurs amies reviennent et chœur d'apothéose. » Ironie du sort pour Boris qui se savait, dès son plus jeune âge condamné et qui s'éteindra à 39 ans.
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