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Autographe, Edition Originale

STENDHAL Lettre autographe adressée à sa soeur Pauline

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STENDHAL

Lettre autographe adressée à sa soeur Pauline

26 mars 1808, 20x24,8cm, 3 pages 1/2 sur un double feuillet.


Longue lettre autographe de Stendhal, adressée à sa sœur Pauline, rédigée d'une écriture fine à l'encre noire.
Adresse du père de Stendhal chez qui réside sa sœur, à Grenoble et tampon « n°51 Grande Armée ». Cachet de cire rouge aux armes de Stendhal.
Plusieurs pliures d'origine, inhérentes à l'envoi postal. Un manque de papier, dû au décachetage de la lettre, habilement comblé.
Très belle lettre, empreinte de passion romantique, mêlant nostalgie de l'enfance et histoires sentimentales et préfigurant Le Rouge et le Noir.
Cette lettre provient de la correspondance qu'entretint le jeune Henri Beyle – ici âgé de vingt-cinq ans – avec sa sœur Pauline de trois ans sa cadette. Cette véritable liaison épistolaire, qui prit bien vite la forme d'un « journal » – les réponses de Pauline étaient rares – est un jalon essentiel dans la constitution du parcours intellectuel du futur Stendhal : « Voilà mes rêveries, ma chère amie ; j'en ai presque honte ; mais, enfin, tu es la seule personne au monde à qui j'ose les dire. »
Dans cette lettre témoignant du lien fort entre frère et sœur, Stendhal, alors en Allemagne, fait part de toute sa nostalgie : « J'ai repassé dans ma mémoire tout le temps que nous avons passé ensemble : comment je ne t'aimais pas dans notre enfance ; comment je te bâtis une fois à Claix, dans la cuisine. Je me réfugiai dans le petit cabinet de livres ; mon père revint un instant après, furieux, et me dit : « Vilain enfant ! Je te mangerais ! ». Ensuite, tous les maux que nous fit souffrir cette pauvre tatan Séraphie ; nos promenades dans ces chemins environnés d'eau croupissante, vers Saint-Joseph. » Ces regrets d'un temps passé s'accompagnent d'une mélancolie toute stendhalienne :
« Hélas ! Ce bonheur charmant que je me figurais, je l'ai entrevu une fois à Frascati, quelques autres à Milan. Depuis lors, il n'en est plus question ; je m'étonne de n'avoir pu le sentir. Le seul souvenir en est plus fort que tous les bonheurs présents que je puis me procurer. »
Cette évocation de l'Italie regrettée va de pair avec les femmes qu'il a aimées :
« Je t'ai conté qu'étant à Frascati, à un joli feu d'artifice, au moment de l'explosion, Adèle s'appuya un instant sur mon épaule ; je ne peux t'exprimer combien je fus heureux. Pendant deux ans, quand j'étais accablé de chagrin, cette image me redonnait du courage et me faisait oublier tous mes malheurs. Je l'avais oubliée depuis longtemps ; j'ai voulu y repenser aujourd'hui. Je vois malgré moi Adèle telle qu'elle est ; mais, tel que je suis, il n'y a plus le moindre bonheur dans ce souvenir. »
Ce long passage concernant Adèle Rebuffet, sa cousine avec laquelle il vécut une histoire sentimentale forte avant d'entretenir des relations plus intimes avec sa mère, témoigne du sentimentalisme de Stendhal. Il évoque d'ailleurs une autre de ses brûlantes passions, Angelina Pietragrua, idéal de la femme italienne et incarnation de ses souvenirs milanais : « Madame Pietragrua c'est différent : son souvenir est lié à celui de la langue italienne ; dès que, dans un rôle de femme, quelque chose me plait dans un ouvrage, je le mets involontairement dans sa bouche. » Ce « rôle de femme » que mentionne Stendhal est un écho à l'essentiel de cette lettre, l'œuvre Il Matrimonio segreto du compositeur Cimarosa : « Joues-tu quelquefois le Matrimonio ? C'est le passage Cara sposa au commencement entre Carolina et Paolino. [...] Mais joue le Matrimonio pour l'amour de moi surtout Signor deh permettette et la finale Io rival de mia sorella. » Cet opéra de Cimarosa, loin d'être une lubie passagère, jalonnera toute la vie et l'œuvre de l'écrivain. Dans ses Souvenirs d'égotisme (1832) il explique :
« à Milan, en 1820, j'avais envie de mettre cela sur ma tombe [...] Je voulais une tablette de marbre de la forme d'une carte à jouer : « Errico Beyle – Milanese – Visse, scrisse, amò – Quest'anima adorava Cimarosa, Mozart e Shakspeare – Morì di anni... il ... 18... » (« Henri Beyle – Milanais – Il vivait, écrivait, aimait – Cette âme adorait Cimarosa, Mozart et Shakspeare – Il mourut en l'année...le...18... ») ». Quelques années plus tard, dans la Vie de Henry Brulard, œuvre autobiographique rédigée en 1835-1836, il persiste et signe : « J'avouerai que je ne trouve parfaitement beaux que les chants de deux seuls auteurs : Cimarosa et Mozart, et l'on me pendrait plutôt que de me faire dire avec sincérité lequel je préfère à l'autre. [...] Quand je viens d'entendre Mozart ou Cimarosa, c'est toujours le dernier entendu qui me semble peut-être un peu préférable à l'autre. » Mais l'hommage le plus révélateur que Stendhal rend à son compositeur fétiche se trouve dans son chef-d'œuvre Le Rouge et le Noir :
« Pendant tout le premier acte de l'opéra, Mathilde rêva à l'homme qu'elle aimait avec les transports de la passion la plus vive ; mais au second acte une maxime d'amour chantée, il faut l'avouer, sur une mélodie digne de Cimarosa, pénétra son cœur. L'héroïne de l'opéra disait : Il faut me punir de l'excès d'adoration que je sens pour lui, je l'aime trop ! » (Le Rouge et le Noir, chapitre XLIX)

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