Pierre LOUYS
Lettre autographe signée : "Mallarmé m'a écrit des choses pompeuses sur Lêda."
Paris [18]93, 13,5x14,5cm, quatre pages sur un feuillet remplié.
Lettre autographe signée de Pierre [Louÿs] datée de Noël [18]93 adressée à Georges Louis. Quatre pages rédigées à l'encre bleue sur un double feuillet bleu aux initiales de l'écrivain et à en-tête du 49 rue Vineuse.Belle lettre adressée à son frère Georges Louis avec qui Pierre Louÿs entretint une très intime relation et qu'il considéra comme son propre père.La question de la réelle identité du père de Pierre Louÿs fascine aujourd'hui encore les biographes : « Son père, Pierre Philippe Louis, […] avait épousé en 1842 Jeanne Constance Blanchin, qui mourut dix ans plus tard après lui avoir donné deux enfants, Lucie et Georges. En 1855, il se remaria avec Claire Céline Maldan, et de cette union naquit, en 1857, un fils, Paul ; puis, en 1870, notre écrivain, qui reçut les prénoms de Pierre Félix. Cette naissance tardive, les différences de caractère entre le père et le fils, la désaffection du premier à l'égard du second, la profonde intimité qui régna toujours entre Louÿs et son frère Georges, tout cela a fait soupçonner à certains biographes et critiques que ce dernier était en réalité le père de l'écrivain. La relation exceptionnellement intime et constante que Pierre et Georges maintinrent entre eux toute leur vie, pourrait être un argument en ce sens. Bien entendu, on n'a point découvert de preuve irréfutable, et on n'en découvrira sans doute jamais. Il n'empêche que certaines lettres […] sont assez troublantes. En 1895, par exemple, Louÿs écrit gravement à son frère qu'il connaît la réponse à « la question la plus poignante » qu'il puisse lui poser, question qu'il a « depuis dix ans sur les lèvres ». L'année suivante, en plein triomphe d'
Aphrodite, il remercie Georges avec effusion et termine sa lettre par cette phrase : « Pas un de mes amis n'a un PERE qui soit pour lui comme tu es pour moi. » Arguant de l'étroite intimité de Georges et de Claire Céline durant l'année 1870, et de la jalousie que le père ne cessa de montrer vis-à-vis de son fils cadet, Claude Farrère n'a pas hésité à conclure en faveur de Georges Louis. Et que penser de cette dédicace de Louÿs à son frère sur un japon de l'originale de
Pausole : Pour Georges, son fils aîné / Pierre. » (Jean-Paul Goujon,
Pierre Louÿs)
Pierre Louÿs envoie cette lettre à son frère alors que celui-ci vient de prendre ses fonctions de délégué de la France à la Commission internationale de la dette égyptienne et se trouve au Caire :
« La lettre où tu me demandais d'acheter un cadeau de jour de l'an m'est arrivée trop tard (vingt quatre heures) pour que je puisse l'envoyer à temps. J'espère que tu auras pu trouver quelque chose là-bas. » Faute de cadeau, Pierre a pu transmettre à son frère un portrait de lui :
« En même temps que ma dernière lettre j'ai mis à la poste pour toi une photo du photographe ordinaire de Jane Hading, et qui représente un Pierre posthume et sentimental, assez ressemblant tout de même. L'épreuve n'était pas très propre, mais c'était la seule que j'eusse encore reçue. » On ne connaît à l'heure actuelle que très peu de portraits photographiques de l'écrivain et il ne nous a pas été possible d'identifier le cliché dont il est ici question.
L'année 1893 est marquée par plusieurs succès littéraires pour Pierre Louÿs qui n'avait jusqu'ici publié qu'
Astarté à compte d'auteur en 1891 et avait aux côtés d'André Gide, son ami de l'Ecole Alsacienne, et Paul Valéry créé
La Conque, « anthologie des plus jeunes poètes » dont le premier numéro vit le jour le 15 mars 1891. Coup sur coup, paraissent
Chrysis ou la cérémonie matinale, la traduction des
Poésies de Méléagre et enfin
Lêda ou la louange des bienheureux ténèbres. Il est d'ailleurs question de ce dernier titre dans notre lettre :
« Mallarmé m'a écrit des choses pompeuses sur Lêda ; mais de sa part cela ne signifie rien. » Pierre Louÿs fréquenta Mallarmé dès les années 1890 et rencontra à ses « mardi » de nombreuses personnalités, notamment Henri de Régnier. Très admiratif des vers du maître symboliste qu'il considère comme « la suprême incarnation de l'artiste, celui qui a tout sacrifié à son idéal » (Ibid.), Louÿs semble ici froissé des commentaires de son aîné, mais qu'à cela ne tienne, il en faut plus pour freiner son enthousiasme :
« J'aime pour moi la surprise que j'ai eue la semaine dernière, étant dans l'arrière-boutique de Bailly, en entendant Mme de Bonn…[ières] en demander cinq exemplaires pour ses amies. Cela est en vrai plaisir. »
Très belle lettre témoignant des premiers succès littéraires de Pierre Louÿs.
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