Georges GILLES DE LA TOURETTE
Lettre autographe signée annonçant la mort d'Alphonse Daudet : "Une seconde pour tuer 50 ans d'intelligence !"
Paris vendredi 17 décembre 1897, 22x17,5cm, 4 pages sur un feuillet remplié.
Lettre autographe inédite signée de Georges Gilles de la Tourette sur papier à en-tête du 39 rue de l'Université, datée du vendredi 17 décembre 1897. 4 pages à l'encre noire sur un feuillet remplié, quelques soulignements.
Exceptionnelle lettre autographe inédite relatant la mort d'Alphonse Daudet dont Gilles de La Tourette – son voisin et ami – fut l'un des tous premiers témoins.Cette lettre, au destinataire inconnu, a vraisemblablement été adressée à Jules Claretie (nous remercions M. Olivier Walusinski pour l'attribution).
« A 8h ¼ arriva M. Potain : pendant une heure nous fîmes la respiration artificielle espérant toujours partir son souffle : rien. J'allai alors chercher un tube de caoutchouc pour insuffler de l'air dans le larynx, puis j'apportai ma machine électrique, rien de plus. [...] Il est mort d'une syncope d'origine bulbaire ou mieux d'un ictus laryngé au cours d'une ataxie locomotrice-progressive. » Il ajoute même : « Bien entendu mon cher maître cette lettre est confidentielle ou au moins le diagnostic de la maladie à laquelle il a succombé. »
Le recours au passé simple ainsi que la présence de repères temporels précis confèrent à cette lettre une dimension narrative incontestable : « Hier soir à 7h ½ je venais de me mettre à table lorsque la concierge de M. Alphonse Daudet mon voisin de porte pénétra tout affolée dans la salle à manger en criant : « Vite un médecin Monsieur se meurt ». Une minute plus tard j'entrai à mon tour dans la salle à manger des Daudet. Etendu par terre sur le tapis M. Daudet autour de lui en pleurs ses 2 fils, sa femme et sa fille. » Médecin mais aussi littérateur, Gilles de la Tourette – sous le pseudonyme de Paracelse –, fut chroniqueur régulier à la
Revue hebdomadaire. Fasciné par la représentation de la folie au théâtre, il partagea sa passion de la littérature avec Alphonse Daudet, son « voisin de porte » rue de l'Université. Les deux amis se sont rencontrés par l'intermédiaire de Jean-Martin Charcot, qui tenait salon tous les jeudis en son hôtel de Vangerville, boulevard Saint-Germain. Gilles de la Tourette voua une grande admiration à l'écrivain provençal dont il déplore ici la perte : « Une seconde pour tuer 50 ans d'intelligence ! »
Gilles de la Tourette évoque également dans cette lettre Marguerite Bottard, surveillante dévouée de son service à la Pitié Salpêtrière et à qui il souhaite d'obtenir la légion d'honneur : « Quant à Mlle Bottard j'ai vu M. Barthou, M. de Selves, M. Peyron, tous ont été très aimables...et j'attends sous l'orme. » Il intercéda en effet auprès du ministre – M. Bartou – et, le 18 janvier 1898, « Maman Bottard » fut élevée au grade de chevalier de la Légion d'honneur, rare consécration pour une femme à cette époque.
Les lettres autographes de Gilles de la Tourette sont rares et recherchées.