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Maurice Blanchot, L'obscura : Extraordinaire réunion de photographies de Maurice Blanchot prises dans la sphère familiale

Maurice Blanchot, L'obscura : Extraordinaire réunion de photographies de Maurice Blanchot prises dans la sphère familialeMaurice Blanchot, L'obscura : Extraordinaire réunion de photographies de Maurice Blanchot prises dans la sphère familiale

Voilà exactement 20 ans, s’éteignait, dans la discrétion qui lui était coutumière, le plus grand critique littéraire du XXeme siècle. Ou bien doit-on plutôt le décrire comme le plus atypique des romanciers ? Certains le qualifieront plutôt de penseur le plus engagé, d’autres de plus ambigu. Tous, reconnaitront sans doute la pertinence d’au moins un superlatif, celui de « plus mystérieux des écrivains » car, certainement, ce 20 février 2003 disparaissait, secrètement, la plus méconnue des grandes figures intellectuelles de notre époque : Maurice Blanchot.
Ce n’est que 5 jours après que les journaux, avertis par un voisin, commentèrent la mort de l’écrivain nonagénaire. Ils ne purent illustrer leur nécrologie d’aucune image, Blanchot ayant refusé toute sa vie d’être photographié, « non pas pour exalter [ses] livres, mais pour éviter la présence d'un auteur qui prétendrait à une existence propre ».
Le 25 février , donc, Libération commentait ainsi l’événement :
« Le plus secret des écrivains français est mort chez lui, près de Paris, jeudi, à 95 ans. Longtemps, on a craint que Maurice Blanchot pousse la discrétion jusqu'à décider que sa mort passerait inaperçue, jusqu'à effacer l'effacement même, selon sa propre formule.  (…) Pour lui, l'homme derrière l'écrivain était sans intérêt et seule l'œuvre avait une réalité susceptible d'être commentée. Comme on peut le lire notamment dans Après coup, «si l'œuvre écrite produit et prouve l'écrivain, une fois faite elle ne témoigne que de la dissolution de celui-ci, de sa disparition, de sa défection et, pour s'exprimer plus brutalement, de sa mort, au reste jamais définitivement constaté : mort qui ne peut donner lieu à un constat. (…) Grand, blond, maigre. De Blanchot, on ne connaît que deux photos lointaines. La première, volée par un paparazzo pour le mensuel Lire en 1985, montre un vieillard sur un parking de supermarché, auprès d'un chariot et d'une R5 blanche. La seconde fut publiée en 1987 dans l'Emmanuel Levinas de François Poirié : on y voit Blanchot, âgé de 22 ans, en compagnie du philosophe. Elle sera retirée de la réédition de 1992. Ses amis le décrivaient comme grand, blond, maigre, doux. Ce refus de se laisser «envisager» est évidemment cohérent avec les théories de Blanchot sur l'effacement de l'auteur au profit du texte, la disparition du sujet dans l'écriture.» (Article complet ici)
Pourtant Maurice Blanchot n’était pas du tout rétif à l’art photographique, et s’il a réussi à préserver son image de l’exploitation médiatique, il n’a pas pour autant fuit tous les objectifs. Ainsi, s’est il souvent plu à poser pour son frère, dans des situations hautement expressives et symboliques. Edition-originale vous dévoile aujourd’hui l’étonnant et unique corpus photographique d’un écrivain qui n’a pas fini de révéler tous ses secrets.
 

Maurice Blanchot, l'obscura :
Extraordinaire réunion de photographies de Maurice Blanchot prises dans la sphère familiale

 

« Blanchot mit longtemps au défi photographes et caricaturistes de la presse littéraire. Minimalistes et rarissimes, sur tant d'années, sont les esquisses d'illustrations : en 1962 dans L'Express, une main brandit un livre, sur fond de page ; en 1979, dans Libération, un carré vierge au milieu de la page, portant pour toute légende le nom de Maurice Blanchot et une citation de l'Entretien infini (« un vide d'univers : rien qui fut visible, rien qui fut invisible ») » (C. Bident, Maurice Blanchot).

En 1986, à l'occasion d'une exposition de portraits d'écrivains, Maurice Blanchot demande que sa photo soit remplacée par un texte manifestant son désir d'« apparaître le moins possible, non pas pour exalter [ses] livres, mais pour éviter la présence d'un auteur qui prétendrait à une existence propre » .

Une photo prise à son insu par un paparazzo sur un parking de supermarché, fera longtemps office de portrait de l'écrivain avant que son ami Emmanuel Levinas ne dévoile quelques rares portraits de leur jeunesse.
Que Maurice Blanchot ne se soit pas opposé à cette divulgation, que celle-ci soit le fait de son plus proche ami, pourrait s'expliquer par ce que Bident nomme « l'espacement de l'inquiétude », l'inactualité des portraits dévoilés faisant écho aux publications reportées de L'Idylle, Le Dernier Mot, L'Arrêt de mort....
 

Seules quelques photographies rassemblées dans les pages centrales du numéro des Cahiers de l'Herne consacré à Maurice Blanchot paru en 2014 complètent ces clichés uniques de l'écrivain le plus secret du XXè siècle.
Dans son chapitre « L'indisposition du secret », Christophe Bident consacre plusieurs pages à l'absence presque totale d'image de ce partenaire invisible, s'interrogeant sur les motivations intellectuelles et psychologiques de l'écrivain conscient pourtant de l'inévitable révélation à venir :

« Tout doit devenir public. Le secret doit être brisé. L'obscur doit entrer dans le jour et se faire jour. Ce qui ne peut se dire doit pourtant s'entendre. Quidquid latet apparebit, tout ce qui est caché, c'est cela qui doit apparaître... » Maurice Blanchot, L'Espace littéraire)


Maurice Blanchot refusait généralement d'être photographié, même dans le cadre privé, comme le confirme la famille de sa belle-sœur Anna qui, dans une lettre à son neveu, lui confirme n'avoir pris aucun cliché de l'écrivain, respectant ainsi ses vœux.
Pourtant, les photographies prises au sein de sa famille proche, nous montrent un Blanchot parfaitement consentant, et jouant même avec raffinement avec son image offerte au photographe, généralement son frère. Ainsi découvre-t-on un homme élégant posant fièrement sur un ponton de bateau ou sur les quais de Seine, ou plus mystérieux, jouant avec les effets de lumière dans le coin d'une pièce nue. On constate alors une véritable mise en scène photographique, et une réappropriation symbolique de l'image, notamment dans cet étonnant portrait assis de l'écrivain tenant dans ses bras le masque mortuaire de l'« Inconnue de la Seine », célèbre tête en plâtre d'une jeune femme supposée noyée et qui orna les ateliers d'artistes après 1900. Véritable légende romantique, cette sculpture au mystérieux sourire post mortem est au cœur du roman d'Aragon, Aurélien, et hante les œuvres des artistes du début du siècle dont Rainer Maria Rilke, Vladimir Nabokov, Claire Goll, Jules Supervielle, Louis-Ferdinand Céline, Giacometti ou Man Ray qui, à la demande d'Aragon, en fit un inquiétant portrait photographique.
 

Maurice Blanchot décrira l'inconnue comme « une adolescente aux yeux clos, mais vivante par un sourire si délié, si fortuné, [...] qu'on eût pu croire qu'elle s'était noyée dans un instant d'extrême bonheur. »
Cette photographie d'un Blanchot impavide berçant le masque blanc de la « Joconde du suicide » s'affirme comme une véritable déconstruction de la représentation et une illustration aussi parfaite qu'énigmatique de son œuvre littéraire et du « silence qui lui est propre ».

De nombreuses photographies témoignent d'un même souci de détournement de la représentation au profit d'une symbolique aporétique, tel ce portrait en pied de l'écrivain vêtu de noir qui se fond dans la perspective fuyante des bâtiments mais dont le front seul est nimbé d'une lumière crue qui semble jaillir de son crâne et effacer les contours des toits. Ou cette autre sur laquelle la lumière nimbe la moitié d'une pièce vide et sépare la photographie en deux parties égales : un espace sombre à l'exacte frontière duquel Maurice Blanchot se tient droit les mains derrière le dos et un espace lumineux et entièrement vide, à l'exception d'un pied de l'intellectuel qui s'y aventure.

Ces photographies réalisées avec son frère révèlent une parfaite maîtrise de l'image et de ses codes artistiques.
 

D'autres photographies, de composition plus classique, apportent un précieux et unique témoignage sur la vie de Maurice Blanchot et sur ses relations familiales qui constituent tout à la fois la face cachée de l'écrivain et son seul véritable ancrage dans la vie physique. Maurice Blanchot, avec lequel ses plus proches amis n'entretenaient généralement que des relations téléphoniques, a vécu la majeure partie de sa vie au sein de sa famille. D'abord dans la maison familiale de Quain, puis hébergé par son frère René et sa belle-sœur Anna chez qui il demeurera même après la mort de René puis d'Anna. C'est également avec sa mère et sa sœur Marguerite que Maurice aura la plus importante correspondance, (plus de 1400 lettres) tout au long de leur vie, partageant avec elles tous les aspects de sa vie intellectuelle, sociale et politique. Enfin, sa nièce Annick, belle-fille de son frère Georges, et son petit neveu Philippe furent presque les seules personnes autorisées à pénétrer dans l'appartement de René, Anna et Maurice, où l'écrivain menait une vie retranchée.

On y découvre la silhouette longiligne d'un homme dont la fragile constitution contribua à sa dépendance envers sa famille au sein de laquelle l'écrivain menait une vie simple et heureuse, posant naturellement au côté de sa mère, promenant son neveu par la main, partageant un repas de famille dans le jardin, ou conversant dans le salon. Les postures de Blanchot sont alors celles d'un homme tranquille, ne fuyant pas l'objectif et posant parfois au contraire avec un certain dandysme très assumé. Sur plusieurs autres photographies, Blanchot pose au premier plan dans une même posture d'une élégance hiératique en parfait décalage avec le paysage et les autres personnages en arrière-plan. Cette répétition du même dans différents décors confère à Maurice Blanchot une présence fantomatique ou à tout le moins irréelle.
 

Mais ces photographies nous renseignent également, autant que faire se peut, sur la vie privée de Maurice Blanchot, ses voyages, ses relations, son univers quotidien au sein de sa famille et sur les différentes périodes de sa vie. Car les photographies rassemblées ici, commencent avec des portraits de famille en bistre albuminés avant même la naissance de Maurice Blanchot et s'achèvent par des argentiques en couleur sur papier Kodak, sur lesquelles l'écrivain très sérieux sur son fauteuil de velours, toise l'objectif en contre-plongée, ou, facétieux dans un jardin verdoyant, se cache le visage derrière un chat qu'il serre amoureusement dans ses bras.

Enfin, comme pour clore cet album unique du seul écrivain qui aura su se rendre invisible au monde sa vie durant, une photographie en buste nous montre, émergeant d'un pull noir profond et uniforme, le visage radieux de l'écrivain qui semble se rire du bon tour qu'il a joué à ses contemporains.

A l'exception de quelques clichés d'identité et souvenirs de voyages réalisés à la fin de sa vie, ce fonds unique et complet constitue la seule source photographique de Maurice Blanchot, de ses lieux de vie et de sa famille, ce cercle intime volontairement dissimulé aux regards et à la curiosité du public et des amis et qui fut pourtant à la base du rapport conflictuel de l'écrivain au monde extérieur.
Mais bien plus qu'une prosaïque documentation en marge de l'œuvre de Maurice Blanchot, les photographies de cet ensemble témoignent d'une réelle maitrise de l'image, de sa mise en perspective et de son pouvoir de réflexivité.

Comme un ultime présent de l'auteur de Thomas l'Obscur, ces traces uniques de son passage font soudain réapparaître celui qui sut jadis disparaitre derrière son œuvre, réalisant ainsi le miracle de son « Toma » (jumeau) : être et ne pas être.

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