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Focus sur Albert Camus et René Leynaud

Actualité Focus sur Albert Camus et René LeynaudActualité Focus sur Albert Camus et René Leynaud
Cette première édition de L’Etranger fut tirée à 4400 exemplaires le 21 avril 1942 et 
divisée en huit « éditions » fictives de 550 exemplaires, la nôtre portant la mention 5ème édition. Camus, qui demeurait alors à Oran « reçut un exemplaire - un seul car ses exemplaires d’auteur se perdirent en route ». (cf. Albert Camus par H. Lottman). Ce n’est qu’à partir d’août 1942, à son arrivée en France, pour soigner sa tuberculose qu’il put dédicacer quelques rares exemplaires de l’édition originale. Ne sont connus à ce jour que de deux ou trois exemplaires de cette édition avec un envoi autographe contemporain. 
Notre exemplaire, inconnu jusqu’à lors, fut offert par Camus à René Leynaud, figure 
symbolique de la Résistance lyonnaise et, jusqu’à sa mort tragique, une des plus belles 
amitiés d’Albert Camus. 
La dédicace autographe, datée de juin 1943, est apposée sur un exemplaire de l’édition 
originale. Il a sans doute été récupéré directement auprès de Gaston Gallimard auquel 
Albert Camus a rendu visite au début du mois, lors de son court séjour à Paris. (Francis 
Ponge mentionne cette rencontre dans sa lettre du 8 juillet : « votre action de couloir sur 
G.G »). A partir du 13 juin, Albert Camus retrouve René Leynaud à Lyon aux côtés de 
Francis Ponge et Michel Pontromelli, il leur fera à cette occasion la lecture du Malentendu. 
(cf. Camus/Ponge correspondance. Note de la lettre du 8 juillet 1943). C’est durant ce 
séjour, sans doute, que Camus offre à son ami cet exemplaire. 
René Leynaud, entré dès les premiers mois dans la Résistance, a très fortement 
impressionné Albert Camus et sans doute contribué à son engagement plus actif, 
notamment au sein du réseau Combat dont Leynaud était devenu chef régional à Lyon 
sous le pseudonyme de Clair. 
C’est d’ailleurs à René Leynaud que sera dédié Lettres à un ami allemand, qui constitue une des plus importantes participations intellectuelles de Camus à la Résistance. 
Poète et journaliste, Leynaud fréquente Camus et Ponge durant les années 1943 et 1944. 
Lors de ses passages à Lyon Camus loge chez lui dans sa petite chambre « que ses amis connaissent bien » de la rue de la Vieille-Monnaie, rebaptisée depuis rue René Leynaud. 
C’est là qu’entre le laïc mélancolique et le chrétien héroïque naît une amitié immédiate et 
indéfectible. Malgré les difficultés du temps, les deux hommes s’écrivent et se rencontrent souvent, à Lyon, Saint Etienne ou Paris. Ils parlent littérature : celle de leur ami commun, 
Francis Ponge : « J’ai parlé de vous avec Leynaud à mon passage à Lyon. J’ai été heureux de lui entendre dire que votre œuvre lui paraissait la seule significative depuis Mallarmé » (lettre à Ponge du 20 mai 1943) ; celle, non publiée, de Leynaud qu’il ne montre qu’à ses 
rares amis : « pour qu’ils sachent penser du mal de moi comme ils en pensent du bien. »(in préface de René Leynaud, Poésies posthumes); et, bien sûr, celle de Camus qui partage avec lui ses travaux en cours, comme Le Malentendu et La Peste : « j’ai donné à la revue Messages un extrait de mon roman que j’aimerais vous faire lire. (…) Ce sont des pages que vous comprendrez, vous verrez pourquoi » ( lettre à René Leynaud du 17 janvier 1944). 
L’exécution de Leynaud sera pour Camus une des plus tragiques pertes de sa vie : « Jamais la mort d’un homme n’a retenti à ce point en moi. (…) Avec lui, j’y voyais plus clair et sa mort, loin de me rendre meilleur, comme il est dit dans les livres consolants, a rendu 
ma révolte plus aveugle. » Camus ne laisse que peu d’écrits au sujet de Leynaud, refusant d’utiliser sa mémoire : « nous ne nous servirons pas de lui qui ne s’est servi de personne. 
(…) Nous lui garderons ce qu’il aurait préféré, le silence de notre cœur, le souvenir 
attentif et l’affreuse tristesse irréparable ». Cependant, les quelques textes dans lesquels il évoque avec pudeur cette rencontre lumineuse comptent parmi les plus belles preuves littéraires d’amitié et d’admiration. 
Extraits de l’article paru dans la revue Combat, le 27 octobre 1944, un jour après l’annonce officielle de sa mort que l’accablement l’avait empêché de commenter le jour même : 
«  Il nous a été difficile de parler hier de (…) ce qui était pour nous une terrible, une 
atroce nouvelle. Et pourtant, (…) il faut que nous en parlions pour que la mémoire de la 
Résistance se garde, non dans une nation qui risque d’être oublieuse, mais du moins dans quelques cœurs attentifs à la qualité humaine. (…) 
L’absurde tragédie de la Résistance est tout entière dans cet affreux malheur. Car des 
hommes comme Leynaud étaient entrés dans la lutte, convaincus qu’aucun être ne pouvait parler avant de payer de sa personne. Le malheur est que la guerre sans uniforme n’avait pas la terrible justice de la guerre tout court. Les balles du front frappent n’importe qui, le meilleur et le pire. Mais pendant quatre ans, ce sont les meilleurs qui se sont désignés et qui sont tombés, ce sont les meilleurs qui ont gagné le droit de parler et perdu le pouvoir de le faire. 
Celui que nous aimions en tout cas ne parlera plus. Et pourtant la France avait besoin de 
voix comme la sienne. Ce cœur fier entre tous, longtemps silencieux entre sa foi et son 
honneur, aurait su dire les paroles qu’il fallait. Mais il est maintenant à jamais silencieux. 
(…) Les meilleurs d’entre [les résistants] sont morts. Nous le disons parce que nous le 
pensons profondément, si nous sommes encore là, c’est que nous n’avons pas fait assez. 
Leynaud a fait assez. (…) Peut-être, la mort d’un tel homme est un prix trop cher pour le 
droit redonné à d’autres hommes d’oublier dans leurs actes et dans leurs écrits ce qu’ont 
valu pendant quatre ans le courage et le sacrifice de quelques Français. » 
Le 13 décembre, Camus adresse à Hélène Leynaud une lettre dont voici quelques 
passages : 
« C’est une terrible et atroce nouvelle. Je la porte en moi depuis tout ce temps et je ne 
peux m’en détacher. Aujourd’hui mon plus amer regret est de ne pas lui avoir assez dit 
combien je l’aimais et combien sa vie m’était chère. Mais les hommes ne parlent pas de 
cela. Ils attendent de s’être perdus et alors il est trop tard. 
Maintenant il faut admettre cette mort injuste et stupide, il faut mesurer tout ce que nous et notre pays avons perdu avec un homme comme lui. (…) Il était ce que j’ai connu de 
meilleur et de plus pur. Rien ne paiera jamais cette mort atroce. (…) J’ai pleuré de rage en 
l’apprenant. Aujourd’hui je n’ai pas de mots pour dire ma douleur. (…) Je ne vous dirai 
pas que son sacrifice n’a pas été inutile pour son pays. Personne n’en sait rien. Mais je sais qu’il était d’accord avec lui-même et avec cette vérité qu’il a défendue jusqu’au bout. Cela suffit pour que je sache qu’il est mort le cœur en paix. 
Pardonnez-moi, Ellen, j’imagine votre immense douleur et je voudrais vous dire la part 
que j’y ai, mais je me sens le cœur trop serré pour continuer. » 
En 1947, il réunira avec Francis Ponge quelques poèmes inédits de René Leynaud et 
rédigera une émouvante préface sur la vie, l’engagement et la poésie de leur ami commun : « je n’ai pas connu un seul être qui l’aimant, ne l’aima de toutes ses forces. (…) Qui donc pourra justifier cette terrible mort ? Que sont le devoir, la vertu, les honneurs auprès de 
ce qu’il y avait d’irremplaçable dans Leynaud (…) sinon les pauvres alibis de ceux qui 
restent en vie ? » 
Enfin c’est encore à Leynaud que Camus pensera en recevant en 1957 son prix Nobel : 
« Parmi le petit nombre d’êtres qui étaient présents en moi (…) René était au premier 
rang. Les années ont passé et je ne me suis pas consolé de lui. Il a été mon frère, non par le sang, mais par le cœur et l’esprit et dans les peines comme dans les joies, il m’a manqué, obscurément, pendant treize ans. Cet excès d’honneur qui m’est fait, il m’aurait aidé à le supporter dignement (…). Et ce jour là, c’est à lui que j’ai pensé, le cœur serré. » (Lettre à Louise Leynaud du 13 novembre 1957) 
En décembre 1944, alors qu’il écrit sa peine à Hélène Leynaud, on peut lire dans le carnet 
de Camus ces quelques mots : 
« Décembre. Ce cœur plein de nuit et de larmes. » 
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kitty - 13/09/2020 19:00

Dear you.

I found this really showing the soul of Albert Camus. Thank you. Is it possible to receive the text in French?

Best wishes,

Liv Mjelde