À l'instar de son auteur, le plus important livre de Soljenitsyne a traversé les plus rudes épreuves. De son écriture, en courant « d'une cachette à l'autre », à sa transcription qui couta la vie à l'une de ses assistantes « invisibles », l'édition originale russe, publiée à Paris, est le fruit d'un remarquable courage collectif.
Si l'Archipel du Goulag connut rapidement un succès international grâce à ses traductions, l’édition originale est parue alors que Soljenitsyne était encore en U.R.S.S. Les rares dédicataires russes des quelques exemplaires avec envois de de ce monument de la résistance anti-soviétique sont, plus que des lecteurs, les récipiendaires d’une histoire commune à transmettre.
L'archipel du Goulag, commencé dès 1958 a été achevé « dans le plus grand secret » (Soljenitsyne 2001, tome II, p. 718).
Lorsqu'en septembre 1965, le KGB confisque ses archives confiées à un ami à Moscou, l'écrivain parvient à mettre à l'abri les chapitres déjà achevés de l'Archipel et ses brouillons. Il continue d'écrire en courant « d'une cachette à l'autre » sans jamais pouvoir avoir l'ensemble du texte sous les yeux. Mais en 1973, Soljénitsyne n'a plus le choix : le KGB vient de mettre la main sur l'un des tapuscrits cachés de son Archipel conservé à Leningrad par une assistante « invisible », qui avait enfreint la règle de brûler les vieux brouillons. Relâchée après des jours d'inquisition, sa dactylographe est retrouvée pendue chez elle. Soljénitsyne donna immédiatement l'autorisation à son ami Nikita Struve, directeur de la maison YMCA-Press, de publier à Paris le premier volume (comprenant les première et seconde parties). Il paraît en librairie le 28 décembre 1973, et le New York Times en publiera des extraits dès le jour suivant ; Georges Nivat (Soljénitsyne et la France, 2021) annonce cependant la parution le 20 décembre, date de l'achevé d'imprimer de notre exemplaire. Le livre sera immédiatement traduit en Anglais et Français, et entraîna deux mois plus tard l'expulsion de Soljénitsyne de l'URSS.
Réfugié aux Etats-Unis, le prix Nobel de la paix aposera sa très discrète signature sur plusieurs exemplaires des traductions de sa grande oeuvre politique, souvent sans mention de dédicataires, comme un reste de méfiance envers une toujours possible répression. Les véritables envois, nomément adressés, de surcroit sur l'édition originale russe, parue à Paris alors qu'il était encore en U.R.S.S, sont d'une insigne rareté.

Journaliste et écrivain juif émigré, Yossman travailla pendant 20 ans pour le service russe de la BBC, sous le nom de Sam Jones. Suivant l'exemple de Soljenitsyne, il publia ses propres souvenirs dans le livre Šaltojo karo samdinys (Mercenaire de la guerre froide), sur son enfance marquée par la pauvreté et les conflits dans le Vilnius d'après-guerre. Il est connu pour avoir révélé la musique et la culture occidentales au peuple soviétique et reçut notamment Paul McCartney en janvier 1989 dans son émission de musique rock intitulée “Babushkin Sunduk” (“le coffre de grand-mère”), "dont se souviennent encore des millions de personnes dans l'ex-URSS" (Communauté juive de Lituanie). Yossman est également considéré comme le père de la "chanson russe", ce genre musical populaire développé par des émigrés de l'Union Soviétique aux Etats-Unis, qu'il fit connaître grâce à son émission radiophonique. C'est probablement lors de son voyage américain pour interviewer les grands interprètes de ce genre (Willi Tokarev, Shufutinsky, Luba Uspenskaya), qu'il reçut cette précieuse dédicace de Soljénitsyne, alors en exil. Les exemplaires de ce chef d'oeuvre en édition originale avec envoi sont d'une insigne rareté.
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