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Alain-Fournier et sa relation tumultueuse avec Pauline Casimir-Perier

Alain-Fournier et ses amoursAlain-Fournier et ses amours
A l'heure où il achève l'un des plus grands romans du XXè siècle, Le Grand Meaulnes, sous le nom d'Alain-Fournier, Henri Alban Fournier devient par l’intermédiaire de Charles Péguy le secrétaire particulier de Claude Casimir-Perier. Il rencontre ainsi Pauline, épouse de Claude et célèbre comédienne connue sous le nom de scène : « Madame Simone ». Débute alors la seconde et ultime grande histoire d’amour d’Alain-fournier qui seule aura raison des huit années d’obsession de l’écrivain.

La rencontre d'Alain-Fournier et de Pauline Casimir-Perier coïncide en effet avec la réapparition dans la vie d’Alain-Fournier d'Yvonne de Quiévrecourt.

Yvonne, « si belle que la regarder touche à la souffrance», est une jeune femme furtivement aperçue dans la rue en 1905. Immédiatement et irrémédiablement épris de cette « hampe de lilas blanc », le lycéen de 18 ans la suit dans la rue pendant une semaine avant de l’aborder et de lui avouer son amour. Mais Yvonne est déjà promise et après avoir accordé au jeune homme quelques heures de flânerie dans Paris, elle quitte définitivement la capitale.
Henri Fournier ne se remettra pas de cette rencontre amoureuse. La jeune femme deviendra Yvonne de Galais dans Le Grand Meaulnes, roman cathartique composé autant pour exorciser cet amour chimérique que pour tenter de conquérir Yvonne retrouvée en 1912 grâce à une agence de détectives.

 « Madame Simone, l’autre figure féminine de sa recherche éperdue d’absolu et de fusion. Yvonne et Simone sont les deux versants de cet univers singulier où le réel et le rêve s’affrontent, échangent leurs prestiges, font émerger de la brume des mots de passe fatals, des sésames éblouissants, pour traduire au plus près ce qui advient entre le mortel et l’immortel. » (Alain-Fournier par Violaine Massenet, p.62)
Pourtant, en 1913, quelques mois avant la parution du Grand Meaulnes, cet amour naissant se heurte à cet autre qui ne veut pas mourir.
Avant même que débute véritablement leur relation amoureuse, Alain-Fournier confie à Simone ces quelques mots énigmatiques, semblant signifier qu’avec la fin de son roman, il libère également son cœur :
 « Le grand Meaulnes a abandonné avant-hier, le jour même de ses noces, la jeune fille qu’il avait cherchée, aimée et poursuivie pendant toute son adolescence. »
Au même moment, Alain-Fournier écrit une lettre passionnée à Yvonne  récemment retrouvée : « Il y a plus de 7 ans que je vous ai perdue. […]  Depuis ce temps, je n’ai pas cessé de vous chercher. […] Je n’ai rien oublié. J’ai retenu précieusement, minute par minute, le peu de temps que je vous aurai vue dans ma vie. […] Vous ne m’aviez accordé qu’un moyen de vous rejoindre et de communiquer avec vous, c’était d’obtenir la gloire littéraire. » Cependant, il ne parvient pas à envoyer sa lettre et la garde sur lui pendant plus de sept mois.
En mai 1913, au sortir de la première du Sacre du Printemps, il passe sa première nuit avec Simone et une semaine plus tard, lui écrit:
 « Je vous aime. La nuit du Sacre, en rentrant, j'ai vu qu'une chose était finie dans ma vie et qu'une autre commençait, admirable, plus belle que tout, mais terrible et peut-être mortelle. De cette fièvre-là, moi, je ne suis pas guéri.... »

Un nouvel amour vient de naître, qui devra s’opposer à d’autres figures féminines omniprésentes dans la vie d’Alain-Fournier : Yvonne, sa sœur Isabelle et sa mère Albanie.

« C’est hors de portée de ces figures sacrées que Simone prend corps et âme. Ce n’est qu’une fois son roman achevé et ses derniers espoirs abolis qu’Henri peut se consacrer à son nouvel amour, si différent de celui d’Yvonne, si réel celui-là. Pour y parvenir, il lui aura fallu surmonter un passé de légende, conquérir le présent imparfait, s’éloigner aussi de la petite compagne d’enfance, Isabelle, à qui il a dédié Le grand Meaulnes, adieu autant qu’hommage. » (ibid. p.227)
Nous sommes à l’été 1913, Alain-Fournier, dont la vie est indissociable de son roman, porte toujours la lettre à celle qu’il nomme lui-même " Yvonne de Galais ". Le Grand Meaulnes a commencé de paraitre en revue à la NRF quand il se décide enfin à rencontrer la véritable Yvonne, mariée et mère de deux enfants : « le choc est rude, la réalité charnelle de la vie d’Yvonne s’impose à Henri dans toute sa violence. » (ibid p.226).
Rien n'adviendra de ces courtes entrevues et Alain-Fournier ne cherchera plus jamais à revoir Yvonne.
Désormais achevé, le roman de cet amour illusoire parait en octobre avec une dédicace à l’autre amour impossible de Fournier : sa sœur, Isabelle Rivière.
Mais Le Grand Meaulnes comme le cœur de Fournier appartient désormais à Simone dont « la monotonie d’exister » s’est changée en « plaisir subtil » depuis la lecture du manuscrit début 1913.
Dès lors, au grand dam d’Isabelle et de Jacques Rivière, elle décidera de l’avenir de l’ouvrage et de son auteur. C’est elle qui, avec Péguy, incite Alain-Fournier à publier chez Emile-Paul et à tenter d’obtenir le prix Goncourt. C’est elle qui présente le manuscrit au président de l'Académie Lucien Descaves et qui mène une campagne effrénée pour que le prix soit décerné à son amant. Et c’est peut-être à cause de l’excès de cette campagne que le jury refusera ce prix à Alain-Fournier. Puis, à son tour, Colombe Blanchet, le second roman - resté inachevé - d'Alain-Fournier, sera tout entier colonisé par Simone qui s'imposera rapidement comme personnage central sous les traits d'Emilie.

La relation tumultueuse et passionnée, intellectuelle autant que charnelle, qu'entretiennent Alain-Fournier et Simone ne sera pas atténuée par la déclaration de guerre. Les deux amants décident de se marier au retour d'Henri, et Simone est alors présentée à Albanie, la mère d'Alain-Fournier qui immédiatement s'éprend de la jeune femme, malgré l'inconvenance de leur relation adultérine.
Les deux femmes vont alors vivre ensemble, dans la maison de Cambo-les-bains, la longue attente des nouvelles du front : « combien je m’estime heureuse d’être auprès de cette femme si bonne et si dévouée. »
Elles se rendent ensemble à Bordeaux "dans l’espoir d’y rencontrer Aristide Briand et de lui demander pour Henri un poste d’interprète aux armées ».
Et, sans savoir qu'Alain-Fournier est porté disparu depuis le 22 septembre, elles ne cessent de lui envoyer jusqu'au 14 octobre des lettres d'espoir et de crainte:
« Je suis à la guerre avec toi, au combat avec toi. Ta mère […] laisse silencieusement couler mes larmes et me dit seulement de loin en loin : « vous savez bien qu’il ne peut rien lui arriver. "
Si quelques jours avant de mourir Alain-Fournier, qui a demandé aux autorités militaires de renvoyer ses affaires en cas de malheur à Madame Casimir-Perier, se soucie encore de son amour pour Yvonne, c'est pour y mettre un terme absolu. Sur une carte-lettre non datée, il implore Marguerite Audoux  de détruire deux lettres témoignant de ses dernières hésitations entre Yvonne et Simone :
« Il y a quelqu’un que j’aime plus que tout au monde. Il ne faut pas qu’un jour ces lettres puissent lui tomber dans les mains et lui faire croire qu’il a pu y avoir partage ou restriction dans mon immense amour. Je compte sur vous d’une façon absolue pour faire brûler ces lettres. »
En 1917, lorsqu'Albanie apprend par la presse que Simone doit se marier avec Francois Porché, elle croit encore au retour de son fils dont le corps a disparu et ne peut comprendre une telle désaffection. En réalité, Pauline Benda anéantie par la mort d'Alain-Fournier trouve auprès de  Francois Porché, gravement blessé, un compagnon de douleur. Ils ne se marieront qu'en 1923 pour "sauver ce qu'il restait à sauver" comme Simone le raconte dans son autobiographie "Sous de nouveaux soleils".

Alain-Fournier laissera un hommage apparemment poli à la femme de Claude Casimir-Perier sous la forme d'un envoi autographe sur un exemplaire vélin de Hollande du Grand Meaulnes. Mais sous la dédicace laconique couve le feu de l'ultime passion et seul véritable amour partagé d'Alain-Fournier.
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