Jean-Paul SARTRE & (Simone de BEAUVOIR) & Fernando SABINO & Rubem BRAGA
Furacão Sôbre Cuba
Editôra do autor, Rio de Janeiro 1960, 14x20,5cm, broché.
Rare édition originale, publiée seulement en portugais, de cet important écrit politique de Jean-Paul Sartre rédigé à Cuba en 1960. Ce texte ne fut publié en France que sous la forme d'articles dans le journal
France-Soir, puis intégralement en 2008 dans la revue
Les Temps Modernes. à la fois reportage sur Fidel Castro et violent pamphlet contre la politique américaine durant la dictature de Batista, cet essai sur la révolution cubaine est précédé d'une préface inédite de Sartre et suivi d'articles des intellectuels brésiliens Fernando Sabino et Rubem Braga.
Envoi autographe signé de Jean-Paul Sartre adressé à Georges Raillard, surmonté de la signature de Simone de Beauvoir.Dos habilement restauré, une petite restauration de papier en marge basse de la page de titre.
C'est sur l'invitation de Carlos Franqui, alors directeur du journal
Revolucion, que Sartre et Simone de Beauvoir se rendent à Cuba entre février et mars 1960. Quatorze mois après la Révolution, le couple d'intellectuels accompagnent Fidel en tournée dans l'île. De ce périple et de leurs multiples rencontres, notamment avec Che Guevara, naît ce long reportage très engagé intitulé
Ouragan sur le sucre qui sera divisé en une série de seize articles publiés dans
France-Soir entre le 28 juin et le 15 juillet 1960 dans le but de faire connaître au grand public la jeune révolution cubaine, un an après la chute de Fulgencio Batista. En 2008, près d'un demi-siècle plus tard, la revue
Les Temps Modernes publia enfin, dans un seul numéro, ce sulfureux essai de Sartre, elle y joignit les notes contemporaines inédites de l'écrivain rédigées à l'époque en vue d'une édition française. Celle-ci ne vit jamais le jour, sans doute parce que, au même moment, en France, un autre combat pour la liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes occupe l'énergie du philosophe : l'indépendance algérienne.
C'est d'ailleurs avec la volonté de réunir les deux combats que Sartre et Beauvoir acceptent en septembre 1960 l'invitation du Congrès des Critiques qui se déroule à Recife au Brésil. Ils n'évoqueront que très brièvement la littérature brésilienne mais utiliseront ce voyage comme tribune pour rapprocher la Guerre d'Algérie et la Révolution Cubaine, comme le racontera Simone de Beauvoir dans
La Force des Choses II.
Très vite, le séjour brésilien des deux figures de proue de la gauche intellectuelle française prend une tournure hautement politique et durant les conférences de presse, Sartre concentre ses interventions sur la révolution cubaine comme réponse à la situation algérienne, parce que « le phénomène le plus important de ce siècle est la libération des peuples coloniaux ».
Affirmant que l'Amérique Latine et le Brésil en particulier seront amenés à jouer un rôle essentiel contre la politique des blocs et en faveur de cette nouvelle forme de communisme fondée sur la recherche de la paix et non du pouvoir, Sartre galvanise de nombreux intellectuels.
Parmi eux, le futur grand critique littéraire et artistique Georges Raillard, alors jeune professeur à l'Université de Rio de Janeiro, et sa femme Alice, traductrice, décident avec quelques grandes figures de l'intelligentsia brésilienne de laisser une trace de cette présence historique du philosophe qui, par sa constante assimilation de la situation cubaine à celle de l'Algérie, semble porter l'espoir d'une révolution universelle.
Réunissant plusieurs grands écrivains comme Jorge Amado, proche ami des Raillard, Fernando Sabino et Rubem Braga, le groupe de jeunes intellectuels décident donc de publier pour le continent sud-américain un ouvrage entièrement inédit du philosophe, avant son retour en France.
En quelques semaines, un éditeur brésilien réussit ce tour de force et bientôt, cette Tempête sur Cuba (
Furacão Sôbre Cuba) en déclenche une autre à la librairie française de São Paulo qui connaît alors « la plus affolante des séances de signatures : plus de mille cinq cents personnes se ruèrent dans la boutique, Sartre s'exécuta au cours de longues heures de paraphes, et Simone de Beauvoir fut également priée d'accoler son nom à celui de son compagnon... » (Annie Cohen-Solal,
Sartre, 1985)
Avec cette signature manuscrite, Sartre, reconnaît la paternité de son brûlot offert en exclusivité au public brésilien, mais ce n'est probablement qu'aux participants de cet acte politique majeur et exploit éditorial qu'il adresse quelques envois personnels, comme celui à Georges et Alice Raillard. C'est d'ailleurs le seul exemplaire nominativement adressé de ce rare ouvrage qu'il nous ait été donné de rencontrer.
L'ouvrage reprend donc le texte intégral de la visite de Sartre à Cuba, mais contient également un préambule éditorial et une préface inédite de l'auteur. Elle est l'occasion pour Sartre de reformuler son parallèle entre la France – nation colonisatrice – et Cuba – terre colonisée – et de mettre également en relation la situation de l'île avec celle du Brésil : « E, apesar de tôdas as características que distinguem um pais do outro, acabei compreendo que falar aos brasileiros sôbre a ilha rebelde cubana era falar dêmes proprios. » (« Et malgré toutes les caractéristiques qui distinguent un pays de l'autre, j'ai fini par comprendre que parler aux Brésiliens de l'île rebelle cubaine, c'était leur parler de leur pays. »). Jean-Paul Sartre souligne l'importance d'étendre les principes de la Révolution Cubaine à l'ensemble de l'Amérique latine et précède ainsi de sa plume l'imminente épopée tragique du Che.
Ce texte, qui connut un grand succès au Brésil et fut même réédité, demeura tout à fait confidentiel en France. Ce silence a probablement des raisons politiques : le 6 septembre 1960, concomitamment à la publication de
Furacão Sôbre Cuba, paraît dans
Vérité-Liberté le célèbre Manifeste des 121, plaidoyer dénonçant la violence et les injustices de la guerre d'Algérie et auquel Jean-Paul Sartre appose sa signature. Sans doute, Sartre découvrit-il assez tôt les limites et les dangers de la politique de Fidel Castro, et préféra concentrer son engagement sur les problèmes français.
Alors qu'à sa suite se succéderont sur l'île les visites d'intellectuels envoûtés par la figure charismatique de Fidel Castro, Sartre ne retournera jamais à Cuba ni au Brésil. Ne demeureront, pour toutes traces de son engouement cubain, que les quelques articles oubliés de France- Soir et cette édition brésilienne demeurée à peu près inconnue en France.
Le 22 mai 1971, le philosophe mettra un terme définitif à ses liens avec « El Commandante » en signant, avec une soixantaine d'intellectuels, une lettre ouverte dans
Le Monde pour manifester leur soutien au poète cubain Heberto Padilla et « leur honte et leur colère » contre Fidel.
Rarissime exemplaire de cet ouvrage unique et dédicacé à l'un des très rares français ayant participé à la courte mais intense aventure révolutionnaire internationale du philosophe germanopratin.
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