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Letters of a Lover
"Fool me if you want, I'll believe you, I want to believe you so much and I need it so much"
A young romantic painter, a libertine wife, a workshop with the scent of an alcove, nicknames of secret lovers, a mysterious passion and an unfinished child's portrait. Enter the painter's loving intimacy and discover the true name of "the Italian lady", the young Delacroix's burning secret passion. From the love of art to the arts of Love, Eugene trades the brush for the pen and writes - anonymously - letters imprinted with spleen and ideal, in which he "plunges his soul into oblivion without remorse , and, carrying the vertigo, the failing rolls to the shores of death!" The Librairie Le Feu Follet presents two letters from Eugène Delacroix sent secretly to his lover, a married woman and mistress! Unsigned and unaddressed, they remained a mystery for a long time for the biographers of the romantic painter, who only discovered his true identity in 2009.
The first one composed of six pages almost entirely unpublished, bears neither date, signature or address. It can however be dated from 1823 and its recipient is the the mysterious “Julie”, now identified as being Madame de Pron, by her maiden name Louise du Bois des Cours de La Maisonfort, wife of Louis-Jules Baron Rossignol de Pron and daughter of the Marquis de La Maisonfort, Minister of France in Tuscany, patron of Lamartine and friend of Chateaubriand.
Cette lettre est l'une des dernières à son amante en main privée, l'ensemble de la correspondance de Delacroix à Madame de Pron étant conservé au Getty Research Institute (Los Angeles).
Seules neuf des quatre-vingt-dix lignes de cette lettre inédite furent transcrites dans le Burlington Magazine de septembre 2009, à l'occasion du long article de Michèle Hanoosh, Bertrand et Lorraine Servois dont les recherches révélèrent enfin l'identité de la fameuse destinataire.
Cet épisode de jeunesse du peintre, alors considéré comme l'étoile montante du Romantisme, est longtemps demeuré un mystère dans la biographie de Delacroix, qui prit soin de conserver l'anonymat de son amante grâce à divers pseudonymes :
la « Cara », « la dame des Italiens », ou encore « Julie », comme dans cette lettre, en référence au fameux roman épistolaire Julie ou la Nouvelle Héloïsede Rousseau.
Grande figure de l'aristocratie légitimiste, la destinataire de cette lettre enfiévrée est Madame de Pron, fille du marquis de La Maisonfort, ministre de France en Toscane, mécène de Lamartine, ami de Chateaubriand. Sa beauté fut immortalisée en 1818 par Élisabeth Vigée-Lebrun, qui réalisa son portrait au pastel, coiffée à l'orientale.
En avril 1822, alors qu'il présente au Salon sa première grande toile Dante et Virgile aux Enfers, Delacroix découvre le Paradis grâce à sa rencontre avec Madame de Pron, maîtresse de son ami intime Charles Soulier qui le charge de réaliser le portrait de son fils, Adrien. Nul ne sait si ce portrait qui n'a jamais été retrouvé fut achevé un jour, mais il servit de prétexte aux rencontres secrètes des deux amants dans l'atelier de la rue de Grès. La beauté de Louise avait été immortalisée quelques années plus tôt par le trait délicat d'Élisabeth Vigée-Lebrun, qui réalisa un portrait d'elle coiffée à l'orientale dans une pose de naturelle élégance.
Leur aventure dura à peine plus d'une année, mais fut l'une des plus intenses passions de la vie de l'artiste. Il ne fut pourtant pas le seul amant de cette femme étonnante dont le mari alcoolique et violent venait juste d'être interné à la maison Royale de Charenton après avoir été déclaré fou. Seule, Madame de Pron trouva réconfort dans les bras d'un aréopage d'amants, parmi lesquels Soulier, l'ami de Delacroix, et le général de Coëtlosquet qu'elle épousera après l'officialisation de son divorce en 1829. Ces liaisons scandaleuses n'auraient sous aucun prétexte pu être rendue publique ; et Delacroix, dans ses lettres et ses cahiers, surnomma donc son amante « Julie » (en référence à La Nouvelle Héloïse), « J. » ou « la Cara ». Sa discrétion fut telle que même ses biographes ne purent jusqu'à récemment déceler la mystérieuse identité de la plus brûlante passion de Delacroix. Le futur peintre de harems d'Alger, fut donc lui-même l'un des hommes de l'androcée de Madame de Pron. S'il respecte ses rivaux, dont l'un est un ami intime et l'autre un futur commanditaire pour lequel il peindra plus tard sa surprenante Nature morte au homard, (Musée du Louvre) Delacroix souffre cependant de la polyandrie de sa maîtresse, tandis que lui-même délaissait Émilie Robert, son amante et modèle pour les Scènes du Massacre de Scio.
Notre missive doit sans doute correspondre aux derniers feux de leur relation, au mois de novembre 1823. Après une de ses visites au terme d'un hiatus de plusieurs mois, Delacroix lui réécrit sous le coup de l'émotion :
« Je rentre le cœur tout bouleversé, quelle bonne soirée ! […] Quelques fois je me dis : pourquoi l'ai-je revue ? Dans la paisible retraite où je vivais, même au milieu des lieux invisibles que je m'étais formé […] je parvenais à faire taire mon cœur ». Madame de Pron avait en effet décidé de mettre un terme à leurs relations intimes (voir sa lettre du 10 novembre 1823 : « Je veux de l'amitié bien douce […] je ne veux pas vous tourmenter », (Getty Research Institute). Perdant tout discernement et avec une dévotion aveugle, Delacroix tente de faire renaître leur liaison : « Fais-moi mentir, prouve-moi que ton âme est bien celle de la Julie que j'aie vue autrefois, puisque la mienne a retrouvé ses émotions charmantes et ses inquiétudes ».
Mais le peintre se heurte à Soulier et au général de Coëtlosquet, eux aussi amants de Madame de Pron. Delacroix avait évité de justesse une brouille définitive avec Soulier, qui avait failli apercevoir une lettre de Madame de Pron dans ses appartements : « J'ai feint d'avoir perdu ma clef […] J'espère que mon tort envers lui n'influera pas sur ses relations avec… Dieu veuille qu'il l'ignore toujours ! » (Journal, 27 octobre 1822, éd. Michèle Hanoosh, vol. 1, p. 94).
Prisonnier de ce carré amoureux, Delacroix se résigne à partager l'affection de son amante, mais il lui en fait l'amer reproche :
« Je crains que vous ne puissiez pas aimer parfaitement. Il s'est fait dans vos sentiments une lacune qui vous a été fatale […] dis-moi que non, dis-le-moi de toutes les manières, trompe-moi si tu veux, je te croirai, je veux tant te croire et j'en ai si besoin ».
Vouvoiement et invectives familières se confondent dans l'esprit tourmenté du peintre. Ironie du sort, Delacroix séjourna fréquemment chez l'autre amant de Madame de Pron, son cousin le général d'Empire Charles Yves César Cyr du Coëtlosquet, chez qui elle logeait rue Saint-Dominique. Delacroix prendra sa revanche sur ce rival en peignant pour lui en 1826 la fameuse Nature morte aux homards (musée du Louvre), prenant soin d'y glisser de facétieuses références à l'ultra-royalisme de son commanditaire : « J'ai achevé le tableau d'animaux du général […] Il a déjà donné dans l'œil à une provision d'amateurs et je crois que cela sera drôle au Salon [de 1827-1828] » écrit-il dans une lettre à Charles Soulier.
Un souvenir de la liaison de Delacroix avec Madame de Pron subsiste dans son tableau en cours, les Scènes du Massacre de Scio, révélation du Salon de 1824, qui placera Delacroix en chef de file du Romantisme et révolutionnera l'histoire de la peinture.
En effet, il se procurera par l'entremise de son amante des armes Mameloukes, dont il subsiste une étude (J72) et qui figurent au flanc du spahi chargeant les femmes dans la composition finale. Aussi, un album d'aquarelles de la main de son ami Soulier le représente en train d'orner la chambre de son ancienne amante de décors pompéiens dans le château de Beffes, où il séjournera brièvement en juin 1826.
L'ardeur de sa passion pour Madame de Pron est enfin révélée par cette lettre qui ne figure dans aucun essai biographique ni correspondance du peintre. Plus tard, Delacroix se rappellera au bon souvenir de son amante :
« Tu diras à Mme de Pron que les Françaises n'ont pas d'égales pour la grâce » (lettre à Soulier, 6 juin 1825).
La seconde lettre, datée du 5 novembre [1823] est écrite un feuillet remplié.
Absente de la correspondance publiée, elle fut transcrite uniquement dans le Burlington Magazine .
« Aime-moi comme je t'aime, comme l'amour veut qu'on aime. »
Écrivant dans le feu de la passion, le jeune Eugène laisse libre court à sa verve amoureuse dans cette véritable œuvre d'art épistolaire où se mêlent désirs et souvenirs, romantisme et prosaïsme, et d'où semblent déjà sourdre les grands thèmes picturaux du génie Delacroix.
Les lettres de Delacroix portent la marque de cette douloureuse inconstance de « Julie », et de la précarité de cet amour fou pour une aristocrate de haute lignée, mariée, mère, de douze ans son aînée et déjà promise à son noble et riche cousin. Mais peu importe car « L'amour […] est un tyran: il veut tout, et quand il a tout, il voudrait l'impossible».
La beauté des lettres d'amour de l'amant partage avec la perfection des œuvres du peintre le même secret ; Delacroix en multiplie les esquisses avant de laisser sa plume et son pinceau exprimer sa passion. Ainsi lit-on dans son fameux Journal plusieurs brouillons de ses missives enflammées à « J. ». Pourtant, nous n'avons trouvé nulle trace de cette incroyable déclaration éminemment picturale rédigée au retour d'une de leurs rencontres amoureuses et dont les mots et les images jaillissent de la plume du fougueux amant qui continue à croquer en songe sa maîtresse : « rentrant dans ta petite chambre adorée, et où reposent toutes tes grâces dans ce lit que mon amour jaloux ne peut partager ».
Telle une de ces peintures, cette lettre fait écho à la fascination du peintre pour l'anatomie des corps écorchés, « Je voudrais circuler avec ton sang dans les veines et aller dans ton cœur, y voir si je l'occupe tout entier. » ; traverse les cauchemars de l'auteur de La mort de Sardanapale, « Me coucher! C'est me séparer de toi une seconde fois, […] et qui sait ce que m'apportera le vague des songes. Sera-ce ta douce image ? Ou ma triste imagination enfantera-t-elle encore des monstres horribles ? » ; et emporte sur un carré de toile chaque parcelle du corps de son amante : « Pourquoi est-ce que je baise encore mon mouchoir qui t'a touchée tout à l'heure, qui t'a touchée partout. »
Ces lettres figurent parmi les plus belles missives de Delacroix, et dernières en main privée, adressées à sa maîtresse « Julie », dont l'identité est longtemps restée inconnue des biographes du peintre.
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Lettre à "Julie": "trompe-moi si tu veux, je te croirai, je veux tant te croire et j'en ai si besoin"
Lettre à "Julie" : "Je voudrais circuler avec ton sang dans les veines et aller dans ton cœur, y voir si je l'occupe tout entier."
Source bibliographique:
L'article du Burlington Magazine, septembre 2009 (pages 37-48)
Pour en savoir plus :
Delacroix ou le scandale romantique en cinq toiles.
Delacroix et l’éternel féminin.
Musée National Eugène Delacroix.
La présentation de la scène des massacres de Scio en 1824.
Elisabeth Louise Vigiée Lebrun.
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