Pierre LOUYS
Lettre autographe signée adressée à Georges Louis : "Oh ! En 1930 ce sera bien différent sans doute ; mais j'aurai 60 ans dans quinze ans ; et je m'inquiète d'abord de 1917 ; même de 1916."
Paris Lundi 11 septembre [1916], 13x20,5cm, 3 pages sur 2 feuillets.
Lettre autographe de Pierre Louÿs signée de son initiale, adressée à Georges Louis. Deux pages rédigées à l'encre violette sur deux feuillets. Pliures centrales inhérentes à l'envoi.
Belle lettre adressée à son frère Georges Louis avec qui Pierre Louÿs entretint une très intime relation et qu'il considéra comme son propre père.
La question de la réelle identité du père de Pierre Louÿs fascine aujourd'hui encore les biographes : « Son père, Pierre Philippe Louis, [...] avait épousé en 1842 Jeanne Constance Blanchin, qui mourut dix ans plus tard après lui avoir donné deux enfants, Lucie et Georges. En 1855, il se remaria avec Claire Céline Maldan, et de cette union naquit, en 1857, un fils, Paul ; puis, en 1870, notre écrivain, qui reçut les prénoms de Pierre Félix. Cette naissance tardive, les différences de caractère entre le père et le fils, la désaffection du premier à l'égard du second, la profonde intimité qui régna toujours entre Louÿs et son frère Georges, tout cela a fait soupçonner à certains biographes et critiques que ce dernier était en réalité le père de l'écrivain. La relation exceptionnellement intime et constante que Pierre et Georges maintinrent entre eux toute leur vie, pourrait être un argument en ce sens. Bien entendu, on n'a point découvert de preuve irréfutable, et on n'en découvrira sans doute jamais. Il n'empêche que certaines lettres [...] sont assez troublantes. En 1895, par exemple, Louÿs écrit gravement à son frère qu'il connaît la réponse à « la question la plus poignante » qu'il puisse lui poser, question qu'il a « depuis dix ans sur les lèvres ». L'année suivante, en plein triomphe d'Aphrodite, il remercie Georges avec effusion et termine sa lettre par cette phrase : « Pas un de mes amis n'a un PERE qui soit pour lui comme tu es pour moi. » Arguant de l'étroite intimité de Georges et de Claire Céline durant l'année 1870, et de la jalousie que le père ne cessa de montrer vis-à-vis de son fils cadet, Claude Farrère n'a pas hésité à conclure en faveur de Georges Louis. Et que penser de cette dédicace de Louÿs à son frère sur un japon de l'originale de Pausole : Pour Georges, son fils aîné / Pierre. » (Jean-Paul Goujon, Pierre Louÿs)
Dans cette intéressante lettre, Louÿs évoque longuement la difficulté des écrivains à vivre de leur plume. Intitulant sa missive « Suite de notre conversation à propos de guerre et de littérature », il fait d'abord un constat très pessimiste : « Au XVIème siècle ? C'était encore bien pire ! Au XVIème, le littérateur indépendant n'existait pas du tout - pour écrire il fallait une charge, un bénéfice, - ou une terre et des revenus, rare fortune chez les écrivains. [...] C'est seulement au XIXème s. qu'on trouvera un très petit nombre d'écrivains consciencieux vivant de leur plume. Et encore...Veux-tu les compter ? Hugo y parvient presque seul. Lamartine y échoue et est obligé de mendier lamentablement à la fin de sa vie. Gautier, qui avait des dons magnifiques, ne subsiste qu'en écrivant dans les journaux [...] tu vois ce que je veux dire : Théâtre et Journal. » Il poursuit : « Cela va bien en temps de paix. - En 1890, l'Echo de Paris insérait des poèmes en prose en premier colonne. - En [date illisible car raturée] le Figaro avait un supplément littéraire. [...] Mais en temps de guerre, en ce siècle-ci, et dix, douze ou quinze ans après la guerre, nous n'irons plus au bois ; les lauriers sont coupés. Oh ! En 1930 ce sera bien différent sans doute ; mais j'aurai 60 ans dans quinze ans ; et je m'inquiète d'abord de 1917 ; même de 1916. »
Cette lettre très pessimiste a été écrite à une période où Louÿs est au plus mal « L'homme qui écrivait ces pages était un homme seul, reclus, malade, drogué, entouré de créatures douteuses et n'ayant pour confident que ce frère adoré qui pourrait moins d'un an plus tard. » (Ibid.)
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