Jean-Antoine GUER
Moeurs et usages des Turcs, leur religion, leur gouvernement civil, militaire et politique
chez Mérigot & Piget, à Paris 1747, in-4 (20x25,5cm), (4p.) xxiv ; 453pp. (17p.) et (2p.) viij ; 537pp. (2p.), 2 volumes reliés.
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Seconde édition, parue un an après l'originale, publiée par Coustelier à Paris. Elle est ornée de 30 planches hors-texte dont deux frontispices gravés par Duflos d'après Boucher et Hallé et trois vues dépliantes : l'Hellespont et la Propontide, la ville et le port de Constantinople et une vue du grand sérail de Constantinople. Les planches représentent des scènes de la vie quotidienne : prisonnier, charité pour les animaux, prière, figures religieuses et lieux de culte, mariage, enterrement, personnages nobles (vizir, sultane, grand seigneur, bostangi, muphti, chiaou, capigi), supplices et scènes historiques. Nombreux bandeaux et lettrines historiés et culs-de-lampe.
Une table détaillée des chapitres en tête de chaque volume. Une table des empereurs ottomans et une liste des principaux auteurs cités dans l'ouvrage au début du premier volume. Une « Table des princes de l'Europe contemporains des Empereurs Ottomans » à la fin du second tome.
Reliures de l'époque en plein veau brun marbré, dos à cinq nerfs ornés de filets et caissons floraux dorés, pièces de titre et de tomaisons de maroquin rouge et brun, plats encadrés de triples filets à froid, contreplats et gardes de papier coquille toutes tranches rouges. Habiles restaurations aux mors, coiffes et coins avec discrète reprise de dorure.
Une galeries de ver allant en s'amenuisant en marge haute du premier tome, sans perte de lettre ni atteinte aux gravures. Une garde blanche manquante en fin du premier volume.
La préface de l'ouvrage est l'occasion pour Jean-Antoine Guer d'exposer sa vision de l'histoire. L'humanité, pour s'améliorer, ne doit pas se tourner vers des régimes obsolètes, mais bien vers des sociétés qui lui sont contemporaines : « Le dix-septième siècle a changé toute la face de l'Europe : la Politique n'est plus la même qu'elle fut sous Louis XII, ni même sous le règne des descendans de François I. Un ministre se rendroit ridicule aujourd'hui, s'il prétendoit négocier sur le même pied, sur lequel on traitoit avant les dernières années d'Henri IV. Ce sont ces raisons qui m'ont encouragé à entreprendre cette partie de l'Histoire Ottomane, que je donne aujourd'hui au Public. Si les Mœurs et usages des Grecs, lorsqu'ils ont paru, si les Mœurs et usages des Romains qui les avoient précédés, ont été reçus favorablement, j'ose espérer le même avantage pour mon Ouvrage. La nation Turque, je le scay, n'est ni aussi ancienne, ni aussi recommandable par beaucoup d'endroits que ces deux Peuples ; mais elle a cela de plus intéressant, qu'elle existe encore, & que son origine, son accroissement & ses progrès nous touchent de plus près que la puissance d'Athènes ou de Rome. »
Il dresse ensuite la liste des autres écrivains qui ont entrepris une description de la Turquie dans leurs ouvrages : Chalcondyle (Histoire générale des Turcs), le Comte de Marsigli (état militaire de l'Empire ottoman), le Prince Démétrius Cantimir (Histoire de l'Empire Ottoman), Ricaut (Gouvernement des Turcs) ou encore la célèbre relation de Jean-Baptiste Tavernier, Description du Serrail. Il constate cependant que tous ces textes, bien qu'ayant eu un grand succès, ne relatent que les évènements historiques et les victoires et défaites de l'élite. Sa volonté est de donner au lecteur une histoire du peuple, de ses folklores et coutumes : « Les intérêts des Princes & leur politique, la nature & les différentes manœuvres du Gouvernement, les maximes du Droit public, les loix fondamentales de l'État, qui ne sont pas moins utiles pour la connoissance d'une nation, ne sont, pour ainsi parler, que le second objet de l'Auteur ; il n'en parle, qu'à mesure que quelque fait particulier lui en fournit le prétexte. La Religion, les Cérémonies religieuses & les fêtes publiques, le génie, l'humeur & le caractère d'un Peuple, sa manière de faire la guerre, ses armes & sa discipline militaire, sa manière de vivre, son habillement, tous ces objets sont négligés, ou dumoins fondus, pour ainsi dire, dans le corps de l'histoire. Elle ne rapporte les usages d'une nation que par occasion, & pour parler juste, en passant ; on n'y rencontre que par intervalle quelques traits, qui apprennent aux Lecteurs les coutumes des peuples dont elle traite : après l'avoir lûe, on peut sçavoir leur histoire ; pour eux, on ne les connoît qu'imparfaitement. »
C'est donc bien une représentation non évènementielle de l'Empire ottoman que propose Guer. Il envisage son rôle comme celui de relais entre les historiens, dont les descriptions sont factuelles, et les lecteurs « qui ne lisent que pour s'amuser, qui ne sçavent s'amuser que de bagatelles ». Il s'agit d'un travail de compilation de différentes sources existantes, l'auteur n'ayant lui-même jamais voyagé en Orient :
« Ce n'est donc point dans les Historiens, qu'on doit chercher une connoissance parfaite des mœurs & usages d'une Nation ; du moins doit-on convenir, que cette étude ne convient guères qu'à des Sçavans, ou à des personnes qui lisent avec réflexion & avec méthode. [...] Mon dessein a été d'épargner aux Lecteurs la peine & le désagrément de feuilleter tant de livres : j'ai regardé tout ce que ces Écrivains ont dit comme d'excellens matériaux. »
C'est dans cette perspective didactique que les planches et plans viennent abondamment encadrer le texte. Si ce type d'historiographies érudites, constituées de compilations de relations de voyages et de récits historiques, était courant à l'époque, le sujet pittoresque mais surtout l'abondante et superbe iconographie offrent au lecteur d'aujourd'hui un document précieux témoignant du regard occidental sur le folklore turc au XVIIIème siècle.
2 500 €
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