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Renée VIVIEN Lettre autographe signée adressée à Natalie Clifford Barney : "Les docteurs disent tous qu'il n'y a plus d'espoir."

Renée VIVIEN

Lettre autographe signée adressée à Natalie Clifford Barney : "Les docteurs disent tous qu'il n'y a plus d'espoir."

s.l. [Londres] Le 16 octobre [1900], 11,3x17,5cm, 10 pages sur 2 doubles feuillets et 1 feuillet simple.


Très longue lettre autographe manuscrite de Renée Vivien signée « Ton fervent Paul » rédigée à l'encre noire sur deux doubles feuillets et un feuillet simple. Pliures transversales inhérente à l'envoi, enveloppe jointe.
Emouvante lettre relatant les premiers contacts de Renée Vivien avec la souffrance et la mort. Rentrée auprès de sa famille à Londres, la Muse aux violettes veille son cousin agonisant : « Mon pauvre cousin va de plus en plus mal. Je crains horriblement que ce ne soit la fin. Il est la plupart du temps en proie à la fièvre et au délire. Ou bien il dort d'un mauvais sommeil de prostration et de faiblesse, à la suite des piqûres de morphine. […] Cela me fait mal de voir le pauvre squelette qui me sourit si faiblement, ce visage est marqué déjà par la mort, il y a la trace de sa serre qui ne relâche pas. » La douleur est omniprésente dans cette lettre-fleuve : « J'ai vu une chose horrible aujourd'hui à l'hôpital en allant voir mon cousin. On a apporté, sur un brancard, une chose épouvantable, - un corps couvert d'un drap, et une tête d'homme aux joues brûlées, - et de cela sortait des gémissements et des hurlements et des râles. Il me semble que je ne pourrai jamais oublier l'affreuse chose inerte qui m'a frôlée de si près cette après-midi. Il paraît que c'était un ouvrier terriblement blessé par une explosion de gaz qui a eu lieu dans une fabrique, à une heure cette après-midi. Ah ! la sinistre chose qu'on portait là-bas ! On entend parler d'accidents, et de blessures et de mort, et on n'y fait pas attention, jusqu'à ce qu'on voie ce que c'est. L'horreur de tout cela m'obsède ce soir, et s'ajoute à mon abattement et à ma mélancolie. »
A cette époque, Renée Vivien n'a encore rien publié et dévalorise même ses vers au profit de ceux de l'Amazone : « Ce matin, Chère, la joie que m'a causée ta lettre, et l'émotion profonde de ton beau sonnet – ce vers « Is there no touch beyond the touch of hands ?» et ces deux autres : « Is there no love that burns an unseen fire » « Beyond the finish of expressed desire ?» sont de toute splendeur poétique. […] C'est toi qui portes au front la grande lumière, c'est dans ton cœur que chante la musique sublime, parler de mes vers, à moi ? Ils sont pauvres à faire pleurer. » Rédigée dans une période précédant les tempêtes sentimentales, cette très belle lettre poétique est une célébration de l'amour entre Renée et Natalie : « Je t'aime, ô mon cher grand Poète admirable et superbe, d'avoir écrit ces vers lumineux et de les avoir pensés. Je t'aime d'avoir autant de la Divinité en toi. Je t'adore avec la religion d'un culte. Mon âme est pieusement prosternée, ce soir, - la beauté de ton âme triomphe. […] J'ai encore un baiser à te donner, le dernier ce soir. Je le poserai sur ton front de poète, - ton front d'harmonie et de bonté. Je te dirai encore que tes vers sont divinement inspirés. Je me mettrai religieusement à tes pieds, - je t'écouterai et je t'adorerai. Enseigne-moi, chante-moi, Poète, Prêtresse, et Divinité tout à la fois.  Ton fervent Paul »

C'est à la fin de l'année 1899 et par l'intermédiaire de Violette Shillito que Renée Vivien – alors Pauline Tarn – fit la connaissance de Natalie Clifford Barney « cette Américaine plus souple qu'une écharpe, dont l'étincelant visage brille de cheveux d'or, de prunelles bleu de mer, de dents implacables » (Colette, Claudine à Paris). Natalie, qui venait de vivre une idylle estivale avec la sulfureuse Liane de Pougy qui l'a initiée au saphisme, ne prêta qu'une attention discrète à cette nouvelle connaissance. Renée en revanche fut totalement subjuguée par la jeune Américaine et relatera ce coup de foudre dans son roman autobiographique Une Femme m'apparut : « J'évoquai l'heure déjà lointaine où je la vis pour la première fois, et le frisson qui me parcourut lorsque mes yeux rencontrèrent ses yeux d'acier mortel, ses yeux aigus et bleus comme une lame. J'eus l'obscur prescience que cette femme m'intimait l'ordre du destin, que son visage était le visage redouté de mon avenir. Je sentis près d'elle les vertiges lumineux qui montent de l'abîme, et l'appel de l'eau très profonde. Le charme du péril émanait d'elle et m'attirait inexorablement. Je n'essayai point de la fuir, car j'aurais échappé plus aisément à la mort. » « Hiver 1899-1900. Débuts de l'idylle. Un soir, Vivien est invitée par sa nouvelle amie dans l'atelier de Mme Barney [mère de Natalie], 153 avenue Victor-Hugo, à l'angle de la rue de Longchamp. Natalie s'enhardit à lire des vers de sa composition. Comme Vivien lui dit aimer ces vers, elle lui répond qu'il vaut mieux aimer le poète. Réponse bien digne de l'Amazone. » (J.-P. Goujon, Tes blessures sont plus douces que leurs caresses) Suivront deux années d'un bonheur inégal, rythmées par les infidélités récurrentes de Natalie et la jalousie maladive de Renée dont les lettres oscillent entre déclarations enflammées et douloureux mea culpa. « Renée Vivien, c'est la fille de Sappho et de Baudelaire, c'est la fleur du mal 1900 avec des fièvres, des envols brisés, des voluptés tristes. » (Jean Chalon, Portrait d'une séductrice)
En 1901 survint une importante rupture qui durera presque deux années ; Renée, malgré les sollicitations de Natalie et les intermédiaires qu'elle lui envoie pour la reconquérir, résiste. « Les deux amies se revirent, et se fut, en août 1905, le pèlerinage à Lesbos, qui constitua une déception pour Natalie Barney et demeura sans lendemain. […] Le ressort était définitivement brisé. Les deux anciennes amies cessèrent de se voir dès 1907, et Vivien mourut sans qu'elles se soient revues. » (J.-P. Goujon, Ibid.)
 

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