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Renée VIVIEN Lettre autographe signée adressée à Natalie Clifford Barney et enrichie d'un poème intitulé "Le Miroir"

Renée VIVIEN

Lettre autographe signée adressée à Natalie Clifford Barney et enrichie d'un poème intitulé "Le Miroir"

s.l. [Londres] 24 mars 1900, 10x15,7cm, 6 pages sur 2 doubles feuillets.


Lettre manuscrite autographe de Renée Vivien signée « Pauline » et rédigée à l'encre noire sur un double feuillet à en-tête du 24 Hyde Park Street. Cette lettre contient un poème manuscrit en alexandrin intitulé « Le Miroir », jamais publié à l'initiative de la poétesse, mais ayant été retranscrit dans « Renée Vivien et ses masques » (in A l'Encart, avril 1980) :

« Je t'admire et ne suis que ton miroir fidèle
Car je m'abîme en toi pour t'aimer un peu mieux ;
Je rêve ta beauté, je me confonds en elle,
Et j'ai fait de mes yeux le miroir de tes yeux
 
Je t'adore, et mon cœur est le profond miroir
Où ton humeur d'avril se reflète sans cesse,
Tout entier, il s'éclaire à tes moments d'espoir
Et se meurt lentement à ta moindre tristesse
 
Ô toujours la plus douce ô blonde entre les blondes,
Je t'adore, et mon corps est l'amoureux miroir
Où tu verras tes seins et tes hanches profondes,
Ces seins pâles qui sont si lumineux le soir !
 
Penche-toi, tu verras ton miroir tour à tour
Pâlir ou te sourire avec tes mêmes lèvres
Où trembleront encore les mêmes mots d'amour,
Tu le verras frémir des mêmes longues fièvres
 
Contemple ton miroir de chair tendre et nacrée
Car il s'est fait très pur afin de recevoir
Le reflet immortel de la beauté sacrée
Penche-toi longuement sur l'amoureux miroir ! »



 
Le reste de cette longue missive est en revanche resté inédit.
Très belle lettre envoyée de Londres par la Muse aux Violettes qui se languit de son « tout-petit » : « Malgré sa lenteur le temps passe, tu vois, et amène l'heure que j'attends fiévreusement, l'heure de se revoir, Natalie ! Encore deux tristes soirs, et le troisième tu seras là pour me bercer entre tes bras ! […] Aujourd'hui je me suis encore démesurément ennuyée… J'ai tant besoin de te revoir, que je compte les heures à mesure qu'elles passent… Je ne pense qu'à toi, obsédée, hantée, prise, possédée par toi et par nos souvenirs. Je suis une pauvre chose bien malheureuse loin de toi. » Lassée des mondanités (« Nous avions la loge de la reine – quel chic, ma chère ! Lady Augustus Fitz Clarence nous avaient invitées.  Elle descend d'un bâtard du roi, et est donc une parente illégitime de la souveraine ! »), Renée s'attarde dans la contemplation d'un présent de sa « chérie » : « Ta bague, je l'aime tant, c'est un lien de notre amour qui ne me quitte jamais… J'ai tant regretté ton poignard, qu'au dernier moment j'ai oublié d'emporter. Ta bague, vois-tu, c'est ton souvenir à mon doigt je la regarde et une partie de notre tendresse s'incarne en elle. »
C'est à la fin de l'année 1899 et par l'intermédiaire de Violette Shillito que Renée Vivien – alors Pauline Tarn – fit la connaissance de Natalie Clifford Barney « cette Américaine plus souple qu'une écharpe, dont l'étincelant visage brille de cheveux d'or, de prunelles bleu de mer, de dents implacables » (Colette, Claudine à Paris). Natalie, qui venait de vivre une idylle estivale avec la sulfureuse Liane de Pougy qui l'a initiée au saphisme, ne prêta qu'une attention discrète à cette nouvelle connaissance. Renée en revanche fut totalement subjuguée par la jeune Américaine et relatera ce coup de foudre dans son roman autobiographique Une Femme m'apparut : « J'évoquai l'heure déjà lointaine où je la vis pour la première fois, et le frisson qui me parcourut lorsque mes yeux rencontrèrent ses yeux d'acier mortel, ses yeux aigus et bleus comme une lame. J'eus l'obscur prescience que cette femme m'intimait l'ordre du destin, que son visage était le visage redouté de mon avenir. Je sentis près d'elle les vertiges lumineux qui montent de l'abîme, et l'appel de l'eau très profonde. Le charme du péril émanait d'elle et m'attirait inexorablement. Je n'essayai point de la fuir, car j'aurais échappé plus aisément à la mort. » « Hiver 1899-1900. Débuts de l'idylle. Un soir, Vivien est invitée par sa nouvelle amie dans l'atelier de Mme Barney [mère de Natalie], 153 avenue Victor-Hugo, à l'angle de la rue de Longchamp. Natalie s'enhardit à lire des vers de sa composition. Comme Vivien lui dit aimer ces vers, elle lui répond qu'il vaut mieux aimer le poète. Réponse bien digne de l'Amazone. » (J.-P. Goujon, Tes blessures sont plus douces que leurs caresses) Suivront deux années d'un bonheur inégal, rythmées par les infidélités récurrentes de Natalie et la jalousie maladive de Renée dont les lettres oscillent entre déclarations enflammées et douloureux mea culpa. « Renée Vivien, c'est la fille de Sappho et de Baudelaire, c'est la fleur du mal 1900 avec des fièvres, des envols brisés, des voluptés tristes. » (Jean Chalon, Portrait d'une séductrice)
En 1901 survint une importante rupture qui durera presque deux années ; Renée, malgré les sollicitations de Natalie et les intermédiaires qu'elle lui envoie pour la reconquérir, résiste. « Les deux amies se revirent, et se fut, en août 1905, le pèlerinage à Lesbos, qui constitua une déception pour Natalie Barney et demeura sans lendemain. […] Le ressort était définitivement brisé. Les deux anciennes amies cessèrent de se voir dès 1907, et Vivien mourut sans qu'elles se soient revues. » (J.-P. Goujon, Ibid.)
 

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