William SHAKESPEARE & Antoine LA PLACE
Le theatre anglois
S.n., à Paris 1746, in-12 (9,5x16,8cm), cxliij, 292pp. (1) et (4) 502pp. (2) et (2) xxvj, 540pp. et (2) 362pp. et (4) xij, 434pp. et (4) 455pp. et (4) viij, 523pp. et (4) 480pp., 8 volumes reliés.
Recueil très rare complet, de l'ensemble du
Theatre anglois établi et traduit par La Place. Il semble que les volumes aient paru indifféremment à la fausse adresse de Londres ou à celle de Paris (même matériel typographique), ainsi certains des tomes portent-ils l'une ou l'autre adresse. On sait que l'ensemble des huit tomes parut de 1745 à 1749, et les volumes constituant notre exemplaire ne sont pas homogènes : tome I (1746) ; tome II (1745) ; tome III (1746) ; tome IV (1746). Les tomes suivants semblent correspondre aux dates de premières parutions : tome V (1747) ; tomes VI (1748) ; tomes VIII et IX (1749).
Pages de titres en rouge et noir, une vignette de Bouchet gravée par Beaumont répétée sur les huit volumes. Un portrait de Shakespeare au frontispice du tome I gravé par Beaumont.
Reliures en plein veau blond d'époque. Dos à nerfs orné. Pièces de titre et de tomaison en maroquin fauve. Triple filet d'encadrement sur les plats. Coiffe de queue du tome I élimée. Fente sous le cinquième nerf du tome I. On note une légère différence de fleuron pour les tomes VII et VIII et les pièces de titres sont plus foncées (idem pour le tome VI). Absence des faux-titres dans les tomes I, III, IV.
Bel exemplaire.
Cette première traduction du théâtre de Shakespeare en français et de la tragédie élisabéthaine en France est d'une grande importance. Elle démontre la difficile émergence du théâtre de Shakespeare sur le territoire français. La Place ne s'y trompa pas puisqu'il choisit d'adapter les pièces du dramaturge et de ne traduire que certains extraits, sauf pour
Richard III qui paraît dans son intégralité, cette dernière œuvre pouvant davantage être reçue par le public français selon le traducteur.
Dans la préface sur l'esthétique anglaise, La Place rend compte de la passion bien anglaise pour le public, un public de lecteurs et non de spectateurs. Il insiste sur le fait que ces pièces sont faites pour être lues et non représentées ; Shakespeare doit donc être rangé parmi les auteurs antiques qu'on lit mais ne joue plus. Il faut souligner, bien que ces pièces soient pour la plupart seulement des extraits choisis et dont la traduction est une adaptation, que cette entreprise éditoriale eut une profonde influence sur l'évolution du théâtre en France. Entre le théâtre classique français et le théâtre élisabéthain, elle inventait un moyen terme, un autre théâtre, et qui de ce fait put plus aisément pénétrer le théâtre français et ouvrir un chemin pour les dramaturges ; ainsi le
Hamlet de Ducis en 1769 est-il le résultat et le produit de ce chemin.
La plupart des pièces de Shakespeare sont seulement des narrations et des résumés, ainsi de
Roméo et Juliette,
Troïlus et Cressida, le Roi Lear, Richard II... à la fin du tome III. Il en va de même pour les comédies à la fin du tome IV :
Peines d'amour perdues, comme il vous plaira... Détails des quatre premiers tomes :
Othello, Henri VI, Richard III, Hamlet, Macbeth, Cymbeline, Jules César, Cléopâtre, Timon, Les Commères de Windsor, La Pucelle (tragédie en un acte par Fletcher). Les quatre premiers tomes sont occupés par Shakespeare, les quatre suivants cherchent à donner une idée du théâtre anglais en remontant chronologiquement le temps, de l'époque post-shakespearienne à la première moitié du XVIII
ème ; ainsi le cinquième tome contient-il la pièce de Ben Jonson (
Catilina) puis une pièce de Rowe,
La Belle Pénitente et la
Venise sauvée d'Otway. Le tome VI renferme
Aurengzeb de Dryden ;
L'épouse en deuil de Congrève ; et
Tamerlan de Rowe. Le tome VII :
Le Siège de Damas de Hugues ;
Busiris de Young ;
Amour pour amour de Congrève. Le tome VIII :
L'adultère innocent de Southerne ;
Caton de Addison ;
Les funérailles de Steele. La Place remarque que tout le théâtre anglais procède de Shakespeare.